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Critique de karineln


« Car il est une chose plus pénible encore que d'apprendre la mort d'un être aimé, c'est de l'attendre.»
Téméraire…Au-delà de l'héroïne incroyable, c'est certainement ce premier roman qui est à qualifier ainsi, et donc le talent et le courage de son auteure. Car il faut de l'audace, une grande honnêteté intellectuelle, une pleine conscience de la réalité cruelle, pour écrire avec tant d'acuité, de franchise et d'humanité tout ce que nous passons notre temps à fuir ou à nier : la maladie et la fin de vie.
Ce livre est un roman. Il n'est ni un essai, ni un brûlot, ni un réquisitoire. C'est une belle histoire d'amour et de famille : l'histoire d'une rencontre, d'un amour naissant qui bâtit une existence à deux puis à quatre jusqu'au drame, cette « grenade », cette mini-poussière qui grippe le système et qui en quelques secondes à peine explose tout sur son passage.
« Impossible de visualiser trente-six ans de vie commune s'écrouler ainsi, sans bruit. Même une simple tour de Kapla a droit à plus de fracas ».
Marine Westphal percute le lecteur avec ses mots ; elle nous décrit, à grands renforts d'images, les corps et les émotions et les inscrit dans une volonté, une décision, un voyage ordonné par l'amour d'une femme. le corps paralysé et inerte de Bartoloméo ; le corps harassé, éreinté mais à la puissance inespérée puisée à la source de l'essentiel de Sali ; le corps enragé de douleur de Maïa qui se donne pour apaiser ses tensions hurlantes ; et le corps jeune, triste, tanguant de Gabin. En quelques lignes, les personnages s'incarnent et nous suivons chacun dans ses défenses pour « faire avec » ou ne surtout pas s'accommoder de l'inacceptable qui suspend leurs vies. Les métaphores sont ahurissantes de justesse : quand le poétique, le fleuri, la gouaille, l'imaginaire nourrissent la plume littéraire pour dire, simplement dire, dans sa vérité nue et crue, ce qu'est l'affront de la maladie, l'impuissance devant l'inertie d'un inanimé, la langueur angoissante d'une séparation inévitable, l'effondrement d'un présent, le deuil.
La téméraire cogne et fait du bien. le rythme est vif ; le récit n'est pas alourdi d'un pathos qui aurait pu être facile au regard de son sujet. Ce n'est pas sombre, c'est un réel. Et dans ce réel en roman, l'auteure nous offre l'intelligence et l'humilité d'une femme qui trouve la force magistrale d'écouter l'imperceptible cohérence des sentiments au milieu d'un chaos dévastateur et sans issue, ou plus exactement avec la contrainte d'une seule issue, et ainsi d'agir l'évidence qui s'impose : la beauté d'un coeur humain. Ce roman est téméraire, fort, nous rappelle notre condition commune et que, dans ce manège incessant, nous sommes capables de lumineux, d'actes engagés infimes et précieux, indispensables.
« Sali s'accroche, parce que, malgré tout, sa vie ne s'achève pas ici, et elle pense que c'est peut-être la cruauté du grand manège des vivants : il continue de tourner quand un, ou deux, ou cent basculent dans le vide, lâchent les rênes et se font rattraper, piétiner. La vie s'en fout, que couic, elle t'embarque et t'élève, et l'amour t'élève encore plus, c'est magnifique la vue, c'est l'élastique que tu tires et que, chlak, tu te ramasses comme un fouet dans la face, quand l'autre meurt et te laisse seul aux manettes de ton petit bolide devenu soudain sordide. Quel salaud celui-là, pense Sali, sans lui elle souffrirait moins. Oui, mais, sans lui, elle n'aurait rien vécu. »


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