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Critique de si-bemol


Douze détenus se sont évadés de la prison de Old Lonesome, Colorado, en prenant quelques gardiens en otage. Parmi ces détenus, il y a Mopar, Howard, Bad News Dixon et Wesley Warrington, qui se sont réfugiés chez la vieille Pearl Greene, dont ils ont investi de force la maison, avec leurs otages. Les autres détenus, eux, se sont dispersés.

Le plan d'Howard - meneur et tête pensante du petit groupe - c'est de s'échapper de la ville et de prendre le large. Sauf qu'au fil du temps et des années, la ville de Old Lonesome s'est lentement fait dévorer par sa prison, au point d'en devenir elle-même une, que la tempête s'en mêle et que rien ne se passera comme prévu.

La sirène retentit pour avertir les habitants de l'évasion en cours et les inviter à se terrer chez eux. Et c'est le signal de la traque…

Menée par le directeur de la prison et ses gardiens, un pisteur professionnel, un journaliste en quête de scoop, un photographe et quelques habitants, elle durera une nuit entière. Une nuit de cauchemar dans le blizzard et le froid polaire de ce 31 décembre 1968, dans ce trou perdu blotti au pied des Montagnes Rocheuses. Une nuit de terreur, de violence et de cruauté durant laquelle sera mis à nu - chez les chasseurs comme chez leurs proies - tout ce que l'âme humaine peut avoir de plus vil, de plus bas, dans un déferlement de haine où s'exprimeront les rancoeurs, les frustrations et toute la malveillance fatiguée d'une poignée de personnages qui trouveront dans cette traque impitoyable un exutoire à leur médiocrité, à leurs petites vies insignifiantes et sans avenir, à leurs désillusions, à leur manque d'amour, à leurs rêves et à leurs coeurs brisés - tandis que nous sont racontées, à tour de rôle, les biographies minuscules de chacun d'entre eux.

A partir d'une intrigue tout ce qu'il y a de plus ténue - la cavale d'une poignée de détenus dans le trou du cul du monde, cette petite ville qui n'est rien d'autre qu' “un endroit où l'on échoue” - Benjamin Whitmer construit un récit d'une rare puissance auquel la nuit, le froid, la neige et la tempête où se croisent les différents protagonistes comme autant d'ombres indistinctes, apportent un surcroît d'angoisse, de malaise et d'effroi. L'écriture est somptueuse, flamboyante, d'une crudité et d'une violence sans concession, au service d'un récit totalement désespéré et d'une noirceur absolue.

Après “Pike” et “Cry Father”, Benjamin Whitmer confirme avec “Évasion”, son troisième roman, toute la maîtrise de son talent et installe encore davantage dans le paysage littéraire un univers singulier qui, livre après livre, porte la voix d'une Amérique dure, brutale, raciste et désenchantée - celle des armes, de la violence et de la haine, celle du désespoir quotidien des laissés pour compte du “rêve américain”, celle de l'alcool, du sexe sans amour et de la drogue.

Benjamin Whitmer est à mes yeux, sans conteste, l'un des grands noms de la littérature américaine contemporaine, ce que m'a confirmé ce dernier roman, “Évasion”, qui a été pour moi un énorme coup de coeur. A découvrir absolument !

[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]
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