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Critique de mesnil


mesnil
16 décembre 2019
Ernst Wiechert est ce fils de garde-forestier né en 1887 en Prusse orientale et interné en 1938 à Buchenwald avant d'être contraint au silence par les nazis sous peine d'« anéantissement physique ». Ernst Wiechert est quelqu'un qui très tôt a eu la compréhension de ce qu'est le nazisme et qui, pour ça, s'est retrouvé en camp. C'est une conscience qui n'est pas dupe, qui résiste.
« Sowirog », un de ces « villages perdus » qui « s'étendent au bord des lacs et des marais de cette lointaine contrée de l'Est, avec leurs toits gris et leurs fenêtres voilées, avec d'antiques puits à potence et quelques poiriers sauvages aux talus pierreux des champs ».
Au rythme des moissons et des chorals luthériens, des noces comme des enterrements, Wiechert raconte les existences laborieuses mais dignes de ces charbonniers, forestiers et pêcheurs. « Ils ne lisaient pas de journaux et ce qui se passait dans le district ou dans le monde ne venait à leur connaissance que par la bouche de l'instituteur, qui était leur Moïse dans le désert. Il s'en était bien trouvé certains, parmi eux, que le vide de leur existence avait poussés au désespoir, d'autres encore qui fermaient leurs coeurs remplis de haine et d'amertume, des misanthropes qui se dressaient, durs et froids, comme d'impitoyables juges ».
Une belle galerie de personnages qui vont se débattre dans les soubresauts du siècle, la première guerre, le nazisme naissant et la seconde guerre. J'ai bien aimer, et souvent ému, ce pasteur (Agricola) qui ne croit plus en Dieu, l'étudiant Jumbo qui apporte une touche d'humour et une ouverture sur le monde pour le jeune Jons, Jons fils prodigue épris de justice et qui ambitionne de « remuer le monde, le paysan Kiewitt, le berger Piontek, Jacob (le père) gardien de la meule, les frères et soeurs Jéromine qui suivent des parcours bien accidentés, le seigneur local von Balk, aristocrate au grand coeur, chaque personnage est construit sur des abîmes d'aspirations humaines, d'ambitions, de conflit avec la violence
C'est une profondeur de personnages sans pareil, j'y ai retrouvé le ton et le lyrisme de Genevoix dans « Ceux de 14 », la beauté de Michelet « Les grives au loup », et l'humanité de Hugo dans « les Misérables »
Surplombant cette humble humanité, un Dieu insaisissable qui, comme dans l'Ancien Testament, fait traverser à son peuple bien des guerres, ruines et épidémies. Aux ambitions de conquête des empereurs du Reich comme aux idées nouvelles des nazis, Wiechert oppose le bons sens séculaire des hommes de la terre qui connaissent eux le prix d'une vie.
Oeuvre d'une profondeur et d'une qualité romanesque incroyables, ces pages sont bénies des dieux. Face à ce lyrisme biblique célébrant « la grandeur dans les petites gens », face à ce christianisme rustique, cette volonté donquichottesque de « remuer le monde » le christianisme de Ernst Wiechert est un christianisme d'action, la prière doit sauver la vie sinon…... Cette dimension du spirituel s'enracine dans la vie de tous les jours et n'est pas coupée du monde, mais s'inscrit dans le combat contre les populismes et l'obscénité.
A conserver précieusement pour une relecture certaine.
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