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Critique de Soleney


Un livre très étonnant et assez dérangeant. Imaginez vous placer, lors d'un viol, dans la tête de l'agresseur… Et imaginez que vous doutiez qu'il soit l'agresseur. Car cet acte que Rodrigues sera amené à faire est une preuve d'amour pour lui, et certainement pas un acte de violence. On en vient à se demander qui est fautif. Aurélie a-t-elle menti aux juges pour gagner de l'argent, ou le garçon lui a-t-il vraiment fait du mal ?

Le roman est divisé en cinq parties, et chacune est pire que la précédente pour Rod. Il a aimé Aurélie, cette jeune fille qu'il admire, puis se fait arrêter par la police sans comprendre pourquoi, se fait interroger sans humanité, enfermer avec les petits caïds et les dealers, et enfin, juger. Chacune de ses étapes est injuste à ses yeux, et on ne peut s'empêcher de le comprendre. Car on apprend à le connaître : ce n'est pas quelqu'un de méchant, au contraire. C'est un ado comme les autres, qui est intimidé par les filles, un non-violent, un tendre – un gentil garçon. On est entrainé avec lui dans cette spirale descendante, horrifié de voir que sa parole n'entre presque pas en compte face à celle de la jeune fille.
Mais Aurélie, elle, nous décrit sa peur, sa détresse, sa douleur lors de l'événement et on ne sait plus qui croire. Fait-elle semblant ou a-t-elle raison ? Les faits de ce 21 juin sont vus sous une lumière bien différente, et les deux versions ont beau être opposées, elles concordent toutes les deux.

Se pose donc la question de la subjectivité. Un acte mauvais accompli sans mauvaise intention reste-t-il toujours mauvais ou peut-on tolérer une remise de peine ? Un acte basé sur la mauvaise interprétation des volontés d'autrui est-il encore condamnable ? N'avons-nous pas le droit à l'erreur ?
Ce livre souligne aussi les différences comportementales hommes/femmes : un geste trop confiant peut être mal compris. Une femme qui se maquille, qui se parfume et s'habille sexy n'est pas forcément une chaudasse, simplement quelqu'un qui soigne son apparence. Une femme qui ôte sa main quand on la touche ou tourne la tête quand on s'approche ne joue pas forcément avec son prétendant, elle fuit peut-être une trop grande proximité qu'elle trouve gênante. Un homme est aussi bien plus imprégné de ses pulsions sexuelles, et cela, on a toutes tendance à l'oublier.

L'auteure aborde le thème de la détention des mineurs. La maison d'arrêt fait plus de mal que de bien à Rod, qui ne comprend pas comment il a pu arriver là. La violence de cet univers le détruit, lui fait perdre les notions de bien et de mal. Magali Wiéner dénonce le fait que la justice française envoie trop facilement en détention, alors que les jeunes sont encore malléables et qu'il est possible de leur faire changer de voie. Un bon suivi aide bien plus que deux ans de prison. Non seulement c'est un point noir qui reste à vie dans le carnet judiciaire (va chercher un travail après cela !) mais en plus, ça traumatise les plus fragiles.
Cet acte qu'a commis Rod aura d'autres conséquentes désastreuses. C'est une bombe nucléaire lâchée sur deux familles : celle de Rodrigues, dont la mère est sous antidépresseurs depuis que son fils est incarcéré car elle n'a plus que lui dans sa vie ; et celle d'Aurélie, qui souffre de voir cette dernière détruite, incapable de surmonter sa honte, sa douleur, son humiliation.

Mais le livre a beau être mince (247 pages), je pense qu'il aurait gagné à l'être encore plus. L'histoire s'embourbe, n'avance pas, l'action est presque inexistante (ce qui est normal, il n'y a pas de course-poursuite, de cache-cache avec la police, Rod se fait avoir dès les premières pages et on suit simplement son aventure judiciaire). C'est une lecture difficile pour les ados, tant par le thème que par les tournures de phrases. L'auteur emploie souvent des phrases très courtes, voire nominales, et les allie avec une abondance de figures de style qui font perdre le fil.

Mais finalement, c'est un ouvrage marquant dont on ne peut pas sortir indemne. Il nous apprend à quel point il est facile de faire du mal à quelqu'un, même sans mauvaise intention. Il y a une visée morale, pédagogique, qu'on pourrait résumer par : « en amour, beaucoup d'actes sont irréversibles. Réfléchissez bien avant d'agir et soyez à l'écoute de l'autre. ». le cas de Rod n'est certainement pas un cas isolé, et ce serait peut-être bien de parler de ce livre aux lycéens – même s'ils auraient du mal à rentrer dans l'histoire, étant donné sa lenteur.
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