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Critique de Parthenia


Avant de parler du livre en lui-même, il me faut dire quelques mots sur l'auteur présumé. La paternité de l'ouvrage est attribuée par quelques spécialistes à Oscar Wilde, tandis que d'autres pensent qu'il s'agit d'une écriture en collaboration avec plusieurs de ses amis. N'étant pas une spécialiste de l'auteur irlandais, je me garderai bien de trancher... he

Pour en revenir à l'intrigue, celle-ci relate l'histoire d'amour tourmentée entre le jeune et riche Camille Des Grieux et le très recherché pianiste hongrois René Teleny.
Dans un premier temps, Camille va tenter de lutter contre ses sentiments, déchiré entre sa passion dévorante pour un homme et son désir de respectabilité, car dans cette société victorienne, l'homosexualité est très sévèrement punie par la loi.
Cependant, son obsession finit toujours par le ramener à Teleny, qu'il se met à suivre secrètement après ses récitals pour découvrir avec douleur que le talentueux musicien partage ses nuits aussi bien avec des femmes que des hommes... Comme une espèce d'échange télépathique s'est noué entre Camille et René dès leur première rencontre, le malheureux Anglais assiste en pensée aux ébats du Hongrois !
Dévasté par la jalousie, il pense mettre fin à ses jours mais en est empêché in extremis par Teleny. Commence alors pour eux une vie de volupté aussi inassouvissable que dangereuse jusqu'au drame final...

De tous les romans érotiques que j'ai lus jusqu'ici, c'est celui que j'ai le plus apprécié.
Non seulement les personnages sont bien développés mais le récit offre également un témoignage culturel poignant sur la stigmatisation de l'homosexualité et la souffrance mentale et émotionnelle qui en découle.
Certes, les scènes de sexe, très explicites et très détaillées, abondent (d'ailleurs, certaines métaphores sexuelles m'ont bien fait sourire ! ^^), mais ce livre ne se résume pas à ça, car nous avons droit à des passages plus psychologiques où l'hypocrisie de la société est dénoncée et où le droit à l'amour et au bonheur est revendiqué, quelque soit le sexe de son partenaire !
D'ailleurs, le texte décrit avec une précision très évocatrice l'amour homosexuel de Teleny et Des Grieux, émotion pure et actes sexuels mêlés, ce qui fait que l'on se sent extrêmement touché par leur relation...
"Nous nous aspirions de nouveau dans un baiser plus ardent, si possible, que le premier. Oh ! le souvenir de ce baiser me brûle encore les lèvres. Un baiser, c'est quelque chose de plus que le premier contact charnel de deux corps : c'est l'exhalation de deux âmes enamourées. Mais le baiser criminel longtemps retenu, longtemps désiré, est plus sensuel encore ; c'est le fruit défendu, c'est un tison ardent qui enflamme le sang." (page 83-84)

C'est donc très visuel. C'est également écrit d'une manière très sophistiquée et très raffinée, parfois en totale contradiction avec la violence de certaines scènes (dont quelques-unes ne sont pas dénuées d'humour même dans le drame comme celle du bordel ou de la partie fine entre hommes, et dont une autre, portant sur un viol, est elle, par contre, particulièrement glauque), mais ce contraste souligne davantage l'hypocrisie de cette société victorienne pour qui seule compte la sauvegarde des apparences, conduisant au suicide les personnes ayant osé défier les conventions ou victimes des mâles dominants...

On retrouve dans ce texte beaucoup de références mythologiques,liées à l'Antiquité ou bibliques ainsi que des allusions littéraires classiques.
Ainsi, Antinoüs et Hadrien apparaissent dans une vision commune à Camille et René tandis que ce dernier joue du piano, préfigurant la fin tragique de leur histoire : "... Après vint l'Égypte, puis surgirent Antinoüs et Hadrien. Vous étiez l'empereur, j'étais l'esclave... Il ajouta plaisamment, parlant presque pour lui seul : — Qui sait ? Peut-être mourrai-je pour vous, un jour, comme Antinoüs pour son maître. Et ses traits prirent l'expression douce et résignée que l'on voit sur les statues antiques des demi- dieux." (page 23-24)
Même le patronyme de Camille, renvoyant aux héros du Manon Lescaut de l'abbé Prévost, laisse planer une atmosphère tragique...

Pour conclure, une très belle découverte d'une sorte de manifeste homosexuel avant l'heure, à l'érotisme très cru mais servi par une très belle plume qui magnifie une vision de l'amour tragiquement passionnée...
Lien : http://parthenia01.eklablog...
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