AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Presence


Ce tome fait suite à Camelot (épisodes 130 à 140) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 141 à 149, initialement parus en 2014/2015, tous écrits par Bill Willingham, dessinés par Mark Buckingham, encrés par Steve Leialoha, avec l'aide d'Andrew Pepoy. Chaque épisode se termine par une histoire courte, correspondant à la dernière histoire d'un des personnages de la série. Ce tome est l'avant dernier de la série, le numéro 150 constituant à lui tout seul le dernier tome.

-
- Épisodes 141 à 149 – À l'instar de ce qui s'était produit pour Mister Dark, les autres créatures magiques, fées, sorcières, etc. recouvrent leur liberté, mais cette fois-ci presque simultanément. À Camelot, Rose Red bénéficie de l'aide de Morgane le Fey. À New York, une créature mi-homme mi-loup rôde dans les rues.

Blanche Neige a compris que Bigby est de retour mais dans une forme animal insensible à la raison. Rose Red s'est rendu compte que l'affrontement contre sa soeur est inéluctable, pour des raisons expliquées dans ce tome. le prince Brandish réussit à recouvrer sa liberté. Encore plus inattendu, Grimble (le troll transformé en oiseau) effectue son retour.

C'est avec confiance et un petit peu de regret que le lecteur entame ce tome, en ayant conscience qu'il s'agit de l'avant dernier, et que cette série s'arrêtera dans le prochain. C'est aussi en toute confiance qu'il s'adonne à cette lecture, car Bill Willingham a su conserver une qualité de narration de très haut niveau depuis le départ, avec très peu de faux pas.

Au cours du tome, il se dégage 3 intrigues principales : les machinations de Prince Brandish, le retour incomplet de Bigby, et la découverte de l'héritage de Rose Red et Blanche Neige. le lecteur peut percevoir que Willingham structure son intrigue de manière à pouvoir la faire avancer vers une forme de résolution dans le tome suivant, à la fois dans l'avancée significative de ces 3 fils narratifs mais aussi dans les conséquences irrémédiables des affrontements.

Pour autant le scénariste n'oublie pas ses personnages qui conservent chacun leur caractère (Blanche Neige toujours impressionnante par son courage et sa résolution). Il se montre toujours aussi inventif qu'à son habitude, qu'il s'agisse de l'élaboration d'une stratégie par les sorcières du treizième étage, des forces qui poussent Rose Rouge et Blanche Neige à s'affronter, ou des différentes phases de combat de Prince Brandish contre un autre bretteur.

Si le lecteur sent bien que la narration se resserre et que le rythme s'accélère, il reste sous le charme de ce divertissement inventif, fidèle à sa mécanique d'origine : une utilisation originale des contes et légendes et un refus de tout statu quo. Il reste également sous le charme de la narration visuelle, en phase avec le scénario. À plusieurs reprises, le lecteur peut constater de visu la complémentarité entre les 2 créateurs.

Mark Buckingham utilise, avec la même aisance que Willingham, les conventions des contes, pour mieux les asservir au récit. Il est impossible de résister au charme des références discrètes, d'autant plus discrètes qu'il s'agit d'abord d'images faisant partie intégrante de la narration, et seulement en second plan de clins d'oeil.

Ainsi le retour de Grimble sous sa forme aviaire donne lieu à de jolies cases d'un oiseau virevoltant autour d'une jolie femme (ce n'est pas Blanche Neige et il n'y a pas de nains, mais le clin d'oeil es bien là). de la même manière, quand Bigby s'apprête à découper un enfant ligoté, avec un grand couteau, ce n'est pas un ogre, mais le clin d'oeil est bien là. Quand Rose Rouge est guidée par une entité ayant pris la forme d'une sauterelle, ce n'est pas un criquet mais l'esprit de Jiminy Cricket est bien présent.

À la lecture du partage des tâches, le lecteur éprouve une légère appréhension à voir que Steve Leialoha n'a pas tout encré, mais Andrew Pepoy se calque sur sa manière de faire et il est impossible de distinguer un trait encré par l'un ou par l'autre. La majeure partie des pages ne comporte que 4 ou 5 cases, mais Buckingham a raffiné son art de manière à composer des images avec une bonne densité d'informations visuelles, aux détails choisis avec art (qu'il s'agisse des tenues, des décors ou des accessoires). le lecteur éprouve le double plaisir de lire les pages rapidement pour progresser à bonne allure dans le récit, et de s'immerger dans un monde à nul autre pareil d'une grande diversité et d'une grande richesse.

Cela n'aurait pas beaucoup de sens de commencer la lecture de cette série par l'avant dernier tome. Il s'adresse donc avant tout aux lecteurs familiers de cette série, et ils ne seront pas déçus par ce divertissement de haute tenue, aussi habile que sophistiqué. S'il fallait absolument chercher un deuxième niveau de lecture, il serait possible d'y voir une ode à l'imagination, un hommage déférent aux contes de notre enfance, un constat de l'inéluctabilité du changement, une réflexion sur le déterminisme social. Si ces thèmes sont bien tous sous-jacents, il est également possible d'apprécier cette lecture comme un divertissement doté d'une sensibilité réelle sans être naïve, mettant en scène des éléments merveilleux, un récit ré-enchantant la réalité, offrant une évasion mémorable d'un quotidien matérialiste.

-
- Histoires courtes – Conscient de la fin imminente de sa série, Bill Willingham s'amuse à offrir à ses lecteurs de courtes saynètes "la dernière histoire de..." (écrites par lui-même, sauf 2 exceptions), consacrées à tour de rôle à Gobemouche (dessins de Mark Buckingham), à Sinbad (dessins d'Eric Shanower), à Babe le taureau bleu miniature (dessins de Tony Akins, avec un scénario de Matthew Sturges), aux trois souris aveugles (dessins de Shawn McManus), à Cendrillon (dessins de Nimit Malavia), au Prince Charmant (dessins de Jae Lee), à la Belle et la Bête (dessins de Terry Moore), à Jack of Fables (dessins de Russ Braun, scénario de Matthew Sturges), et à Briar Rose la belle au bois dormant (dessins de Chrissie Zullo).

C'est une attention charmante pour son lecteur que d'avoir pensé à lui présenter des fins aux principaux personnages, préparant ainsi l'arrêt proche de la série, accompagnant ainsi le changement à venir, le traumatisme de savoir que ces personnages vont quitter le lecteur.

Willingham a placé ces récits sous le signe de la malice. Il s'agit bien d'une forme de résolution pour chacun des personnages (Jack of Fables trouve enfin son bonheur), avec une chute facétieuse. La première consacrée à Gobe-Mouche peut déconcerter (un dessin pleine page avec des dialogues) car elle exige du lecteur d'imaginer lui-même les conséquences de ce qui lui est montré. Les suivantes reposent sur une narration plus conventionnelle.

En fonction de ses affinités, le lecteur éprouvera plus ou moins de plaisir à retrouver Babe le taureau bleu miniature ou les 3 souris aveugles. Pour chacun, Willingham (et Sturges) a apporté le même soin à concocter une issue drôle et pertinente, en phase avec le caractère du personnage. Chaque dessinateur s'est appliqué pour réaliser le faible nombre de pages qui lui est attribué. le choix d'un dessinateur à chaque concourt à donner une tonalité différente à chaque histoire, la rendant plus spécifique, plus unique par rapport au personnage.

Lorsque Bill Willingham a pris sa décision de mettre un terme à la série, il savait qu'il lui restait plus d'un et demi de parution mensuelle, et il est visible qu'il a pensé à ses lecteurs, et conçu toutes sortes d'attention pour apporter un sentiment de clôture satisfaisant et progressif.
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}