Itinéraire d'une ultrasensible

Le théâtre et la littérature m'ont peu à peu permis de prendre conscience que les émotions sont naturelles, qu'elles peuvent exister, être ressenties et être exprimées. Qu'elles ne sont pas inutiles ! Qu'il est licite de parler de ce qui se passe à l'intérieur de soi et à l'extérieur de soi ! Ce changement a été un véritable bouleversement. Enfin je comprenais, je voyais et je lisais qu'ailleurs cela se passait parfois autrement. J'apprenais et je me rendais compte aussi que les émotions étaient la matière première pour être une bonne comédienne. C'est par le théâtre et la littérature que je suis progressivement sortie de mon fonctionnement, de l'armure que je m'étais construite pour survivre dans un environnement hostile où l'on m'interdisait de ressentir et d'exprimer mes émotions. Ils ont été une fenêtre ouverte sur le monde, ils sont venus petit à petit bousculer ma vision étriquée du monde. Grâce au théâtre, à la littérature, à mes amis de théâtre et à Filou, j'ai peu à peu découvert le monde des émotions, l'amour partagé, la valeur du silence, la profondeur d'un regard, la richesse d'une caresse, la fertilité d'une conversation éclairée, la sensualité d'un geste, la générosité d'un cœur simple, mais aussi l'aridité des âmes égarées, la pauvreté de ceux qui n'ont que l'argent, l'indifférence des cœurs desséchés, les regards dépourvus d'amour, la froideur des paroles habitées par la jalousie et l'envie, la tiédeur, l'apathie et la cruauté banalisée. Ces découvertes étaient chaque jour des trésors cachés que je déterrais.

C’est en lisant Cosmos, de Michel Onfray, que j’ai découvert cet aphorisme de Francis Bacon : « On ne triomphe de la nature qu’en lui obéissant. »