Citations sur De la mort à la vie (18)
" Le corps raide, décharné, et d'une immobilité absolue ; je suis branchée à tant de tuyaux que j'ai l'impression de n'être plus qu'une machine. Je sens que je meure, seul mon coeur bat encore à soubresaut, lentement, péniblement. Mon âme est toujours rattachée à ce corps qui ne contient plus d'étincelle de vie. Je ne sais plus qui je suis, je me sens si seule, si vide et j'en suis terrifiée. J'entends le docteur dire à ma mère que mon coeur peut s'arrêter d'une minute à l'autre. J'ai peur, mais je l'accepte. Seule la mort pourrait me délivrer de ce corps qui n'en est plus un. J'ai 15 ans et demi et je vais mourir... "
Je renais de mes cendres et me métamorphose dans un environnement clos, avec l'impression d’exister sous cloche. Je vois de nouveaux arrivants, d'autres qui partent rejoindre la société. Je vis en décalage dans ce foyer, loin de ma famille, mais entourée d'amis. Des jeunes paumés, comme moi, si forts et si fragiles à la fois.
Cette fille-là croulait sous le poids des mensonges, de la répugnance, des non-dits et de la trahison. Détruisez-la ! Recréez-en donc une autre ! Neuve, fraîche et innocente. Alors, pourra-t-elle continuer à vivre.
Vaseuse, je paie mon obstination, je me suis raccrochée à l'utopie de l'anorexie comme à une bouée de sauvetage. J'étais déjà morte à l'intérieur : le jour de mes quatre ans où il a commencé ses horribles jeux. Le soir où ma mère m'a hurlé que je n'étais qu'une sale menteuse. La vie m'a quittée tant de fois ; pourtant, il m'en fallait plus. J'ai façonné mon corps volé comme un hurlement que personne n'a vraiment compris. Devenir muette, faire apparaître mes os saillants m'exaltait. Un cri à la figure de ce monde qui s'en fout. Je porterai mon étendard de douleur jusque dans la tombe. Là où réside ma place.
Martyr de la faim, seule avec le poids de ma conscience. Je suis la victime et le bourreau, le meurtrier et le cadavre. Dévorée par une faim sans fin que je me suis moi-même infligée
Les urgentistes s'efforcent de me sauver la vie.
On me pose un masque à oxygène afin de m'aider à respirer, ils me pèsent en me portant.
Verdict : 25 kg. Jamais, ils n'avaient eu affaire à un tel rapport poids/taille. Stupéfaits face à ce cas unique, ils tentent désespérément de faire une prise de sang et de me perfuser. Mes veines éclatent comme de petits élastiques, et roulent sous leurs tentatives
Ce n'est pas moi qui devrais être internée, cloîtrée, abandonnée dans cette petite pièce muée en cachot. Je vis en réclusion, condamnée à cause de mon autodestruction. Gaston devrait être à ma place. C'est lui que l'on devrait enfermer ! Pendant que ce pervers pédophile demeure bien paisible chez lui, affranchi de toutes barrières, exempt de règles et d'oppression, pouvant aller et venir comme il le veut. C'est moi, sa victime, devenue tarée, qui reste prisonnière.
Dehors, l'air demeure vivifiant et me réveille de ma torpeur. J'essaie de me dégager de leurs étreintes, mais elles sont trop fortes, je ne peux m'enfuir. Nous arrivons chez les fous, là où, d'après eux, j' ai ma place.
Je ne guérirai pas parce que je ne le désire pas. J'ai conscience que l'anorexie me tue à petit feu. Elle parle à ma place, dicte ma conduite, refusant toute aide. Je la suis, aveuglément, car je me sens enfin bien avec elle. Elle m'insuffle une force que je n'avais jamais connue auparavant. Plus rien ne me raccroche à la vie. Si je dois crever de faim, je le ferai.
Ne trouvant plus ma place dans cette famille et dans ce monde, je m'emprisonnais irrémédiablement dans mes obsessions. La déviance me prenait à bras-le-corps, semblable à une vieille amie. J’évoluais en un être anormal.
J’évoluais dans la période transitoire qu’était la puberté. Entamant ces années avec une terrible faim de vivre malgré mes blocages. Je rêvais de m’évader de cette prison, de cette vie étriquée et de cette solitude. Vivant différemment des autres jeunes de mon âge, je souhaitais savourer l’adolescence comme il se devait. Mais cela m'était impossible.
L’apathie que je traînais depuis des mois se transformait en un état de grâce inimaginable