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Critique de chocobogirl


Comme vous pouvez vous en douter, l'album ici présent est une relecture de l'histoire originelle de Pinocchio.
Gepetto est ici un inventeur sans scrupules qui a conçu une arme destinée aux militaires sous la forme d'un androïde de métal, résistant au feu. Alors qu'il s'absente pour fourguer son pinocchio, ce dernier est habilement utilisé par la femme de Gepetto : ménage, vaisselle, service en tout genre, et même plaisir sexuel... Mais l'accident arrive. Pinocchio prend la route en compagnie d'un cafard SDF qui a élu domicile dans son crâne et se laisse guider au gré de ses rencontres. A son tour, lorsque Gepetto découvre la disparition de son invention et des dégâts provoqués, il prend la fuite et part à la recherche de celui-ci.

Vous aurez reconnu les différents éléments de l'histoire d'origine habilement détournée en un récit beaucoup plus trash.
Car le Pinocchio et le monde qui l'entoure sont totalement pervertis par les hommes. C'est donc à une relecture fort désenchantée que nous assistons.
Le monde pollué donne naissance à des créatures monstrueuses. On tue les SDF pour mieux récupérer leurs organes et les revendre. Les enfants sont des esclaves employés pour fabriquer des jouets (!) puis jetés dans les flammes lorsqu'ils sont trop fatigués pour continuer à travailler. L'ile enchantée s'avère un cloaque d'immondices où la misère règne en maître. Les cirques sont devenus des lieux d'embrigadement sous un emblême ressemblant au drapeau nazi.
L'auteur n'hésite pas non plus à replacer d'autres mythes classiques ou contemporains qu'il réinterprète à sa manière : Blanche Neige est séquestrée par des nains salaces qui, après lui avoir offert un nouveau coeur, s'adonne au plaisir du viol collectif... Bambi et ses amis ne perdront pas une miette du spectacle et s'avèreront très déçus lorsque celui-ci s'arrêtera. Bref beaucoup de références implicites que je n'ai pas toujours su décoder mais peu importe.

Vous l'aurez compris, nous sommes loin des images de contes de fées et l'auteur prend plaisir à dévoyer ses personnages et son univers.
Pinocchio s'avère un spectateur muet de la décadence de notre monde. Winshluss énonce ici une sacré critique de nos sociétés menées par la guerre, le vice et l'appât du gain avant tout.

L'auteur fait montre d'une grande inventivité narrative et graphique et je rejoins les précédents lecteurs qui crient au chef d'oeuvre.
Loin d'être un récit linéaire, l'auteur construit son récit en différentes séquences. La narration présente de nombreux personnages qui vont finir d'une manière ou d'une autre par se rencontrer ou se croiser dans une intrigue aux nombreuses portes mais totalement fluide.
Le récit principal est totalement muet et Winschluss réussit avec brio à construire un récit fort qui se passe de tout commentaire. Il donne à son dessin et à ses couleurs une touche totalement vintage qui rappelle l'esthétique des années 50.
Les aventures de Pinocchio sans paroles donc alternent avec des encarts très verbaux qui mettent en scène Jiminy Cafard, un alcoolique qui a perdu ses allocations chômage, ainsi que sa copine, et qui se retrouve à squatter l'espace vide de la tête de Pinocchio. Les planches ne sont pas colorisés et se présentent dans l'esprit d'épisodes de revues à suivre. On découvrira également quelques passages indépendants revenant sur le passé misérable de certains personnages secondaires, expliquant leur état de délabrement avancé. Là encore, l'auteur donne un style différent à son dessin.

Le Pinocchio de Winshluss est un album noir, vous l'aurez compris, cynique et désabusé. Un album extrêmement dense qui mérite même plusieurs lectures afin de bien saisir toute sa richesse narrative et graphique qui nous offerte. Un album pour lequel il y aurait encore beaucoup à dire mais je vous laisse le soin de découvrir par vous-même une oeuvre véritablement marquante. Indispensable !
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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