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Critique de Charybde2


Premier roman des Wu Ming sous leur "nom", réclamant une traduction, car il est jouissif en diable.

Publié en 2002, le premier roman sous leur nom de Wu Ming du collectif italien (après leur coup d'essai et coup de maître "Q", qui était encore écrit sous le pseudonyme englobant de "Luther Blissett") n'est hélas toujours pas traduit en français, et c'est bien regrettable... C'est donc de la traduction anglaise par Shaun Whiteside en 2005 que je vous parle ici.

L'année 1954. Il fallait le génie souterrain des cinq (bientôt quatre) Bolognais pour entremêler savamment l'après-guerre italien, ses désillusions lorsque les anciens Résistants, et tout particulièrement ceux du puissantissime PCI de Bologne, voient le début des grandes compromissions chrétiennes-démocrates, avec le retour aux affaires d'un bon nombre de hiérarques issus du fascisme, la rupture entre la Yougoslavie et l'URSS au lendemain de la mort de Staline, qui crée, pour peu que l'on résolve la question du territoire libre de Trieste, contesté entre Tito et la république italienne, un intéressant "coin" au sein du bloc de l'Est, les débuts de l'organisation d'un trafic mondial d'héroïne, à l'échelle industrielle, par le mafieux napolitain Lucky Luciano, le sommet délirant atteint aux Etats-Unis par le mccarthysme, et enfin, l'ennui profond de Cary Grant qui se morfond à Hollywood après avoir mis fin à sa carrière, qu'Alfred Hitchcock d'une part, le MI6 d'autre part, veulent le persuader de relancer...

Si l'on ajoute que l'un des principaux points de vue de narration adoptés est celui d'un... ultramoderne téléviseur couleur, dérobé dans les stocks américains de la grande base navale de Naples, on comprendra que l'on a affaire à un monument potentiel. C'est bien le cas : si l'intrigue effervescente est presque impossible à résumer (et ce serait particulièrement dommage de déflorer certains de ses rebondissements), comme toujours avec les Wu Ming, le sérieux de la recherche documentaire et des possibles transpositions contemporaines (préface et postface nous rappellent qu'au moment de l'écriture, dans la foulée du 11 septembre 2001, l'invasion de l'Afghanistan est lancée, et que celle de l'Irak pointe déjà son nez...) affleure sous la farce apparente.

D'amicales pressions sur les éditeurs français des Wu Ming sont donc plus que jamais nécessaires pour qu'une traduction voie le jour. Ne serait-ce que pour vous éviter d'avoir à me pardonner cette citation sauvagement traduite de l'anglais par mes soins :

"Assis dans le Chippendale en face de Cary, Sir Lewis Chester Kennington, un vétéran du MI6 arrivé de Londres quelques jours auparavant. A côté de lui, Henry Raymond, le directeur américain de la même organisation. Raides, dans leurs parfaits costumes gris. Laine peignée, fines rayures grises, deux boutons, gilet, sans doute Anderson & Sheppard, et leurs chemises avec cette coupe inimitable de Turnbull & Asser, sur Jermyn Street. Les deux chaussés d'Oxford noires. L'ensemble était porté avec cette impersonnalité typique des Britanniques, davantage préoccupés au fond de camouflage imparable au sein de leurs bureaux que de réelle élégance."
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