J'ai souvent le sentiment qu'un romancier utilise trois piliers de la vérité pour amener le lecteur à croire en sept piliers de la fiction et à entrer dans le château qu'il ou elle a créé dans son langage, qu'il soit opulent, sordide, fantastique ou irréel. Dans mon roman, le marché Chung-hwa était réel, tout comme les jeunes ouvriers qui allaient fabriquer des avions de guerre au Japon. Et mon père avait un vélo qui a disparu lorsque lui même a disparu. Mais de nombreux détails de l’histoire ont été inventés. Par exemple, même si j'ai parfois souffert de troubles du sommeil dans la vraie vie, je n'ai jamais vécu la guerre dans mes rêves. Je n'avais pas de petite amie qui s'appelait Alice. (Ma petite amie de l'époque s'appelait Teresa.). Et j’ignore si mon père a garé sa bicyclette pour la dernière fois au Chung-shan Hall
J'ai découvert au début de ma carrière d'écrivain que la fiction et la réalité sont si étroitement liées que tout élément textuel est suspect, mais il est dangereux de traiter quoi que ce soit dans un roman comme vrai.
La vérité d'un roman ne dépend pas des faits. C’est quelque chose que tout romancier comprend. Mais la structure globale d’un roman est soutenue par ce que l’on pourrait appeler les «piliers de la vérité».
Les histoires existent du moment que l’on n'a aucun moyen de savoir comment on passe du passé au présent. On ne sait jamais au début pourquoi elles continuent à survivre, comme en hibernation, malgré la puissance érosive du temps. Mais en les écoutant, on a l'impression qu'elles se sont réveillées et finissent par respirer. Comme des aiguilles, elles poussent le long de votre colonne vertébrale dans votre cerveau avant de vous piquer, chaud et froid, dans le cœur