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EAN : 9781911231240
396 pages
Text Publishing Company (30/05/2019)
3.5/5   1 notes
Résumé :
The Stolen Bicycle is an intimate portrait of a Taiwanese family, a history of the bicycle industry, and a collage of magical, heart-wrenching stories. The book follows Cheng, a novelist, who once wrote a book about his father's childhood and his disappearance twenty years ago. One day he receives a reader's email asking whether his father's bicycle disappeared as well. Perplexed and amused, Cheng decides to track down the bicycle, which was stolen years ago, settin... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« The stolen bicycle » (2019, Text Publishing, 396 p.) non encore traduit (La bicyclette volée) est un roman de Wu Ming-yi, auteur taïwanais, sélectionné pour le Man Booker Prize International. C'est en lisant « Perles » recueil de 6 nouvelles (2020, L'Asiathèque, 216 p.) de Chi Ta-Wei, que j'ai découvert la littérature Taïwanaise. Ce qui m'a donné l'occasion d'aller voir et de lire Wu Ming-yi. L'auteur est professeur de littérature auprès de l'Université Dong Hwa à Hualien, sur la côte est de l'ile.

Auparavant, il a publié « L'Homme aux Yeux à Facettes » (2014, Stock, 360 p.) et « le Magicien sur la Passerelle » (2017, Stock, 270 p.) tous deux traduits par Gwennaël Gaffric. le premier roman fait état d'un gigantesque vortex de détritus issu du Great Pacific Trash Vortex, va entrer en collision avec l'ile fictive de Wayo Wayo (traduire par Bora Bora) sous les yeux de Atihei, un jeune ilien. Rencontre improbable entre un aborigène avec la modernité dans toute sa laideur. le second raconte l'émerveillement d'un jeune garçon subjugué par les tours d'un prestidigitateur qui exerce au grand marché de Chunghua, à Taipei.

Little Cheng est un écrivain dont le père a disparu il y a 20 ans, en 1993, le lendemain de la destruction du centre commercial de Chung-Shan Hall Market. Or un jour, il reçoit un e-mail lui demandant pourquoi sa bicyclette a aussi disparu. La quête à la fois du vélo et de son propriétaire va le conduire à travers tout le pays, et rencontrer Lin Wang, Miss Ma le doyen des éléphants, les soldats japonais perdus dans la jungle de l'Asie du Sud-Est durant la dernière guerre, et le monde secret d'un artisan, spécialisé en tableaux réalisés à partir du collage d'ailes de papillons. Si le thème central est bien celui de la recherche du père disparu, il y a de nombreuses digressions et méditations sur la mémoire, la famille, la maison en général.
Mais tout commence par cette disparition avec une description très poétique. « Je dois vous décrire cette matinée, car chaque fois que quelque chose est décrit de nouveau, cela acquiert un sens nouveau. Je dois commencer par laisser l'aube s'étendre, la lumière du matin déambuler sur la terre. Je dois prendre les arbres, les maisons du village, l'école locale, les champs avec leurs mélanges de couleurs, et les petits bateaux de pêche se balançant avec le vent au bord de la mer, et les placer un à un comme des pièces d'échecs dans le paysage ».

Il est évident que la bicyclette joue un grand rôle dans ce roman. C'est une « Lucky Double Tube War Bike »de numéro de série #04886, qui a toute une histoire. de fait, lors de l'invasion de la Malaisie par les Japonais en 1941, le général Tomoyuki Yamashita fait débarquer 60000 hommes et 10000 bicyclettes pour faciliter le transport de munitions et ravitaillement dans la jungle. Chacune, à double cadre pouvait porter 35 kilos de bagages. D'ailleurs Taiwan est toujours connu comme le premier centre mondial de fabrication de bicyclettes, en compétition avec Fuji au Japon et Raleigh en Angleterre. Leur slogan « Ride Your Way to Lucky » (Faites du vélo avec Lucky).

Cette forme d'intendance provoque la chute de Singapour en février 1942, et la capitulation, catastrophique des Anglais. Singapour, la « forteresse imprenable », est tombée en seulement sept jours. Winston Churchill qualifiera la chute de Singapour comme la « pire des catastrophes » et « la plus grande capitulation » de l'histoire militaire britannique. Ce que c'est que d'envoyer des généraux britanniques dont Arthur Percival, en shorts à la guerre. Lors de la reddition de Percival, un officier japonais note que Percival était « pâle, mince et fatigué ». Il est vrai que la situation militaire des anglais était intenable. Pas de tanks, jugés inadaptés au terrain et climat local, une aviation désuète, avec encore des biplans, et des aérodromes installés par la RAF, sans consultation de l'Armée, dans des endroits indéfendables. En particulier, celui d'Alor Star, désigné comme la clé de voûte de la défense aérienne, est évacué par les anglais sans avoir été mis hors d'usage et sert aussitôt de base aux japonais. Une partie des anglais faits prisonniers seront utilisés dans des camps pour reconstruire les infrastructures. le plus célèbre de ces camps est celui du « Pont de la Rivière Kwai », popularisé par le film de David Lean d'après le roman de Pierre Boulle écrit en 1952, et ressorti plus tard (2011, Julliard, 264 p.).
Il faut reconnaître que l'invasion a été préparée de longue date. C'est dans le cadre du concept de « Sphère de coprospérité de la grande Asie orientale » (Dai-tō-a Kyōeiken), initiée en 1938 par général Hachirō Arita. La sphère devait regrouper tous les pays occupés par l'Armée impériale japonaise et la Marine impériale japonaise lors de l'expansion de l'Empire. Devaient en faire partie la Corée, Malaisie, Birmanie, Asie du Sud Est, Indonésie, Bornéo, Nouvelle Guinée. Et tout commence avec la Kōa-in, l'Agence de développement de l'Asie orientale. L'un des principaux moteurs de cette entité politique devait initialement être le Mandchoukouo (Mandchourie) qui fait figure de régime collaborateur. Avant l'invasion, les Japonais avaient recruté un petit nombre de Malais (Kikans ou KMM) mécontents dans une organisation secrète « Tortoise Society », ainsi que des Coréens, et des Indiens de la « Indian Independence League » (IIL). Une fois occupée, la Malaisie est dirigée par l'Administration militaire malaise (Malai Gunsei Kumbu) de l'armée impériale japonaise qui impose une ligne dure, notamment envers les Chinois.

Après la reddition du Japon, un certain nombre d'entre eux sont restés, oubliés dans les petites iles où ils étaient. On pourra lire quelques-uns de leurs récits. Ainsi de Shohei Ooka « Les Feux » (1995, Autrement, 264 p.) traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle et Maya Morioka-Todeschini. Tamura est un soldat japonais qui erre sur une petite île des Philippines pendant la seconde guerre mondiale. Il s'enfuit de l'hôpital où il était soigné, mais est réduit à errer dans l'ile. Expulsé, il n'a plus rien à manger or pour rester il faut avoir à manger. Avec d'autres soldats, ils en sont réduit à manger du « sing », bel euphémisme pour désigner des primates plus évolués. Ou encore de Akira Yoshimura « Guerre des Jours Lointains » (2002, Actes Sud Babel, 283 p.) traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle. L'officier Takuya Kiyohara recherché pour crimes de guerres et exactions sur des pilotes américains prisonniers, dont des décapitations au sabre. Et un récit d'un de ces soldats, Hirô Onoda « Au nom du Japon » traduit par Sébastien Raizer (2020, La Manufacture de Livres, 320 p.), soldat perdu, avec quelques autres, oubliés sur l'ile de Lubang dans les Philippines. Il raconte son errance avec quelques soldats isolés, sans contacts et sans ordres qui vont vivre ainsi. Hirô Onoda ne se rendra que en 1974, rattrapé par l'armée philippine, il rendra son sabre au Commandant Marcos. le tout dernier à se rendre n'est pas japonais, mais un aborigène de Taiwan incorporé dans les « volontaires de Takasago » sous le nom de « Teruo Nakamura ». Il existe encore certains groupes d'aborigène dans le centre et la côte est de Taiwan. Ce sont des « Gaoshan » à l'origine groupes des montagnes groupes non reconnus sont ceux qui habitaient les plaines, alors que les « Pingpu » ou groupes des plaines, sont désormais intégrés à l'ethnie taïwanaise.

Pour revenir à la bicyclette volée, Wu Ming-Yi prévient d'emblée « Je n'ai pas écrit ce roman par nostalgie, mais par respect pour un épisode dont je n'ai pas eu l'expérience ». Donc si il parle de la période d'expansion colonisatrice japonaise et des relations avec les aborigènes, ce ne sera qu'un à côté de l'histoire, qui reste centrée sur la famille, le père disparu et son vélo.
Ce vélo est un « cheval de fer », épithète qui est a été popularisé par les missionnaires en Afrique ou les amérindiens du Canada. Cela fournira la matière des sept courts chapitres, avec des sortes de notes « Bike Notes » répartis de ci de là. On va donc suivre Little Cheng et sa copine Teresa, qui va vite disparaitre, remplacée par Little Hsia. Ne pas croire, surtout que Little est leur nom de famille. L'amitié viendra de ce que Little Hsia possède une « Lucky », qui en fait est celle de Annie, l'ex copine de Abbas, un aborigène. Nous y revoilà. Et il va y avoir rencontre entre Little Cheng et Abbas, le choc des civilisations, via un vélo. « Quand on a roulé sur une bicyclette comme celle-là, réellement roulé, c'est comme une intrusion dans la vie d'une autre personne ». de Abbas, on passer ensuite à son père Pasuya, un authentique aborigène Tsou. Pasuya est important car il a fait partie de ces Taiwanais recrutés par les Japonais pour envahir la Malaisie. de l'occupation de la Birmanie, on passe ensuite à l'occupation de Pasuya, qui sera chargé de conduire des éléphants domestiqués, qui servent d'animaux de traits. de la tribu des Tsou, l'auteur nous emmène dans les tribus Karens, qui s'occupent habituellement des pachydermes. A la fin de la guerre, ces éléphants vont être ramenés au zoo de Taipei. Et il y aura notamment Miss Ma, la doyenne. Re-changement de style et de narration. Pour corser la chose, les éléphants sont protégés par Katsunuma, le directeur japonais. Les bombardements américains ne facilitent pas la chose car ils épouvantent les pachydermes qui risquent de s'affoler, tout détruire et s'échapper. Heureusement, Miss Ma trouve abri dans un tunnel, et est sauvée.

Ce roman est tout de même centré sur la recherche du père disparu, avec méditations sur la mémoire et la famille. « Les histoires existent du moment que l'on n'a aucun moyen de savoir comment on passe du passé au présent. On ne sait jamais au début pourquoi elles continuent à survivre, comme en hibernation, malgré la puissance érosive du temps. Mais en les écoutant, on a l'impression qu'elles se sont réveillées et finissent par respirer. Comme des aiguilles, elles poussent le long de votre colonne vertébrale dans votre cerveau avant de vous piquer, chaud et froid, dans le coeur ». mais l'auteur réalise très vite qu'il existe un monde entre fiction et réalité. « J'ai découvert au début de ma carrière d'écrivain que la fiction et la réalité sont si étroitement liées que tout élément textuel est suspect, mais il est dangereux de traiter quoi que ce soit dans un roman comme vrai. […]. La vérité d'un roman ne dépend pas des faits. C'est quelque chose que tout romancier comprend. Mais la structure globale d'un roman est soutenue par ce que l'on pourrait appeler les «piliers de la vérité».
El l'auteur poursuit son explication, avant de digresser à nouveau sur la guerre, sur l'invasion de la Malaisie. En fait sur la réalité, la fiction, et la représentation que l'on s'en fait. « J'ai souvent le sentiment qu'un romancier utilise trois piliers de la vérité pour amener le lecteur à croire en sept piliers de la fiction et à entrer dans le château qu'il ou elle a créé dans son langage, qu'il soit opulent, sordide, fantastique ou irréel. Dans mon roman, le marché Chung-hwa était réel, tout comme les jeunes ouvriers qui allaient fabriquer des avions de guerre au Japon. Et mon père avait un vélo qui a disparu lorsque lui même a disparu. Mais de nombreux détails de l'histoire ont été inventés. Par exemple, même si j'ai parfois souffert de troubles du sommeil dans la vraie vie, je n'ai jamais vécu la guerre dans mes rêves. Je n'avais pas de petite amie qui s'appelait Alice. (Ma petite amie de l'époque s'appelait Teresa.). Et j'ignore si mon père a garé sa bicyclette pour la dernière fois au Chung-shan Hall ».

Restent les descriptions de l'ile et de sa partie sauvage que l'on ne soupçonne pas. le nord de l'ile avec les sources chaudes de Beitou. C'est à côté de Taipei et les citadins y vont prendre les eaux, en fait s'y baigner dans les différents bassins de couleur. Pendant ce temps de petits poissons viennent vous manger les peaux mortes. Sur la cote ouest, il faut aller voir et prendre le petit train de la forêt d'Alishan, comté de Chiayi. Petit train à crémaillère, qui fait des trajets aller-retour (tout au moins la locomotive) pour grimper une pente très raide. A Taipei, ne pas manquer la tour 101, avec, comme son nom l'indique ses 101 étages. Aller voir la boule de 5.5 m de diamètre, et de 660 tonnes. Suspendue comme un pendule, elle sert d'amortisseur harmonique pour les oscillations de la tour sous les coups de vent et les séismes. Curiosité architecturale d'une tour qui abrite un vaste centre commercial. Sur la côte Est, coté Pacifique, il faut aller dans les gorges de Taroko. Une route en balcon, avec forces de tunnels et passages en surplomb. Peu de chance de voir encore des aborigènes, pourtant c'est là qu'ils (sur)vivent encore. C'est de là que proviennent les « Gaoshan » groupes des montagnes que l'on retrouve dans le roman.

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J'ai souvent le sentiment qu'un romancier utilise trois piliers de la vérité pour amener le lecteur à croire en sept piliers de la fiction et à entrer dans le château qu'il ou elle a créé dans son langage, qu'il soit opulent, sordide, fantastique ou irréel. Dans mon roman, le marché Chung-hwa était réel, tout comme les jeunes ouvriers qui allaient fabriquer des avions de guerre au Japon. Et mon père avait un vélo qui a disparu lorsque lui même a disparu. Mais de nombreux détails de l’histoire ont été inventés. Par exemple, même si j'ai parfois souffert de troubles du sommeil dans la vraie vie, je n'ai jamais vécu la guerre dans mes rêves. Je n'avais pas de petite amie qui s'appelait Alice. (Ma petite amie de l'époque s'appelait Teresa.). Et j’ignore si mon père a garé sa bicyclette pour la dernière fois au Chung-shan Hall
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Les histoires existent du moment que l’on n'a aucun moyen de savoir comment on passe du passé au présent. On ne sait jamais au début pourquoi elles continuent à survivre, comme en hibernation, malgré la puissance érosive du temps. Mais en les écoutant, on a l'impression qu'elles se sont réveillées et finissent par respirer. Comme des aiguilles, elles poussent le long de votre colonne vertébrale dans votre cerveau avant de vous piquer, chaud et froid, dans le cœur
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J'ai découvert au début de ma carrière d'écrivain que la fiction et la réalité sont si étroitement liées que tout élément textuel est suspect, mais il est dangereux de traiter quoi que ce soit dans un roman comme vrai.

La vérité d'un roman ne dépend pas des faits. C’est quelque chose que tout romancier comprend. Mais la structure globale d’un roman est soutenue par ce que l’on pourrait appeler les «piliers de la vérité».
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