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Critique de Lililaluize


Amis végétariens, amis vegans, amis spécistes et autres noms du champ lexical, voici un livre qui, à ne pas en douter, vous rebute d'entrée de jeu.
Couverture ignoble en broché qui vous pique les yeux, la carcasse sous fond rouge sang vous agresse( Lisez le en version poche, l'image est bien plus soft).
La mauvaise nouvelle, c'est que la couverture n'est que le reflet de ce qu'elle renferme puisque la barbaque joue un des rôles principaux.
Et pourtant, quel dommage, pour les plus radicaux d'entre vous, de devoir vous passer d'une telle lecture ; pas uniquement parce que nous parlons de Mo Yan, prix nobel de littérature, ni parce que je l'ai profondément aimée, mais parce que "Quarante et un coups de canon" est la définition même de la littérature et de la poésie.
Mo Yan a, tout d'abord, cette faculté de nous mener au coeur même de ce temple à l'intérieur duquel se déroule le récit de Luo, nous permet de caler notre regard sur le sien et de sentir les odeurs qui l'enivrent.
Commence alors une immersion totale dans les artères du village des bouchers.
Au centre de l'histoire de Luo se trouvent Mule Sauvage, sa mère, son père, Lao Lan puis les bêtes, les bouchers, commercants... et l'intensité qui découle des écrits de Mo Yan nous fait vivre la frénésie d'une Chine qui compose entre moeurs ancestraux, le règne de l'argent et de l'enrichissement.
Luo parle tandis que le moine médite, évoque cette fascination qu'il a pour la viande, serait-ce pour Mo Yan une façon d'aborder sa propre pauvreté, lui, issu d'une famille paysanne ayant connu la faim... En tous les cas, c' est une façon de mettre en évidence , et de manière la plus sordide, la perte des valeurs face au profit.
Puis survient l'étrange dans ce temple, Luo observant l'extraordinaire qui ponctue son récit ; femmes , renards, militaire, Lan l'aîné le débauché ... Tous chimères ou hallucinations, songes ou fantasmes nous plongent dans une fable surnaturelle d'une élégance fascinante.

Mais parlons de ce lien charnel avec la viande qui au fur et à mesure prend toute la place, une ode, une poésie qui flirte avec la sensualité jusqu'au boutiste, à la vision du Dieu de la viande qui enivre.
Impériale, elle régit le monde, enrichit et devient convoitise, une contemplation qui prend vie et parle à Luo , une perspective de grandeur, l'avant goût de la réussite, d'une condition et d'une pitance meilleure.


De la dureté d'une vie jaillit cette ensorcelante culture que l'on embrasse, émane ce lyrisme qui nous berce et dans lequel on s'abandonne, hypnotisés, loin de l'austérité et de la dureté de la réalité.
La beauté s'asseoit, consacrée, elle dévoile ses charmes telles les nymphes créées par le poète et couche sur papier la plus profonde nature de l'homme.
Mo Yan, pseudonyme qui veut dire "l'homme qui ne parle pas" m'a envoûtée durant ses 500 pages qui en disent long sur la Chine contemporaine.

Quarante et un coups de canon est un livre narratif au flot intarissable qui a pour conteur un jeune homme narrant son enfance, il affirme un refus du monde adulte. Processus psychologique qui démontre une peur de l'écoulement du temps et de la noirceur humaine entre vérités et mensonges.

Un livre hors du commun d'une grande finesse littéraire qui m'aura, il faut bien l'avouer, repue en viande pour un certain temps, mais quelle aventure littéraire singulière !

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