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Critique de Osmanthe


Trois récits écrits entre 1995 et 1997, qui sonnent comme un reflet sans doute largement fidèle de la vie quotidienne des chinois de cette fin de siècle. Déniché dans ma médiathèque favorite, ce recueil est aujourd'hui épuisé chez l'éditeur, et n'en est que plus précieux. La découverte est très instructive, et la lecture est un réel plaisir.

Le recueil tire son titre de la première nouvelle dénommée « la liftière ». Employée à l'accueil de l'ascenseur de son immeuble, la narratrice va voir monter chaque jeudi une jeune femme vêtue de manière provocante…au 18ème étage…là où elle habite…et réalise bientôt que la belle a rendez-vous avec son propre mari pour des parties de jambes en l'air. Son mari ne se cache guère, arguant qu'elle ne peut rien lui reprocher, vu qu'il avait eu l'indulgence de pas la quitter alors qu'elle avait eu une histoire avec un de ses cousins avant leur mariage. La pauvre femme bafouée va devoir surmonter son humiliation, et une forme de tristesse lorsqu'elle revoit un jour, à l'initiative de sa cousine, le dit cousin désormais marié, père et souffrant d'un handicap après une maladie. Il reste si prévenant ! Mais alors que, fatiguée moralement elle s'interroge sur le ratage de ses retrouvailles, sur son avenir, le destin va s'acharner…
Un excellent texte où l'on souffre avec l'héroïne, dans une société machiste où la femme doit lutter pour se faire un peu respecter. L'auteur réussit à nous tenir en haleine de page en page avec une histoire simple, et une chute finalement assez inattendue.

« Une journée harassante » nous fait vivre l'enfer des transports dans une ville tentaculaire, qui doit être Pékin, et dans une moindre mesure la monotonie du travail à l'usine, d'un couple et de leur fille unique. Métro, boulot, dodo…Ou comment une famille unie, même si le père a l'air de bien laisser sa femme tout faire (encore un !), se débrouille pour vivre dignement, même si la fatigue réduit le temps de vie hors du travail à son expression la plus simple, répétitive et mécanique.
Un texte en apparence plus secondaire que les deux autres, mais cependant l'occasion de nous montrer avec une dose d'humour que la situation n'est pas forcément si éloignée de ce qu'on pourrait vivre à Paris, et la société pas si différente à certains égards, notamment quand l'auteur relate les frottements des hommes dans les transports en commun, mais aussi des jeunes femmes qui ne s'en laissent pas conter et connaissent la musique.

Le dernier , « l'initiation », se passe dans une école. Nous suivons de près deux élèves, un garçon, Chu Chuchu, et une fille, Na Lin, et leurs mères, qui vont sympathiser. C'est que ces élèves ont pour point commun d'être sérieux et plutôt doués, et sont issus de familles modestes. Mais curieusement, lorsqu'il s'agit de désigner des chefs de classe sur des critères de sérieux et bonnes notes, la jeune institutrice, Mademoiselle Zhong, à l'apparence gentille et rougissante, a une tendance un peu trop systématique à désigner Gao Fei et Yuan Xiaoyuan comme leaders et modèles…Le premier étant fils de directrice d'hôpital, la seconde fille de chauffeur d'une belle voiture…Et puis il y a cette histoire de cantine, les deux mères ayant bien noté que les tarifs de cantine n'était pas les mêmes, plein, moitié, gratuit…selon la tête du client. Quant aux notes, un examen blanc passé avec un autre instituteur va mettre en lumière la médiocrité de Yuan, qui jusque-là était curieusement, et outrageusement, privilégiée par l'institutrice…et cette dernière ne va pas résister un jour au plaisir orgueilleux d'arborer le superbe collier offert par Yuan…Pourtant, un jeune homme fou, avant d'être mystérieusement retrouvé mort, traînait régulièrement aux abords de l'école et scandait sans cesse « Ah ! ah ! Sauvons les enfants ! »…
Une très belle nouvelle, qui dénonce, avec ce cri du fou, peut-être bien cri du coeur de l'auteur, les ravages de la corruption, dont il faudrait songer à protéger les enfants, eux-mêmes victimes du système. C'était un problème chinois particulièrement prégnant à l'époque d'écriture du récit. Il paraît que Xi Jinping lutte fermement contre aujourd'hui, à voir…De toutes façons, sans même parler de corruption, le sujet à une résonance universelle, car même en occident la puissance de l'argent aura toujours eu raison d'une véritable égalité entre les enfants, à un moment ou à un autre de la vie scolaire, et a toujours grippé la mécanique de l'ascenseur social.

Un recueil dont les histoires tirent toute leur puissance symbolique de sujets tirés de la vie quotidienne de centaines de millions de chinois, ici plutôt urbains, et qui nous parlent dans la mesure où les propos en question ne sont pas si exotiques qu'il y paraît.

Encore une jolie découverte pour le sinophile que je suis !
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