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Critique de Lencreuse


Le roman graphique L'Empoisonneuse est inspiré d'un fait divers qui a secoué la ville de Brème au 19ième siècle : l'histoire de Gesche Margarethe Gottfried qui empoisonna en quelques années parents, maris, enfants et autres connaissances. Condamnée à la peine de mort, elle eut la tête tranchée à l'épée en place publique. C'est quelques jours avant cette exécution qu'arrive à Brème une jeune femme chargée d'écrire un guide touristique sur la ville de Brème. Mais la tension est à son paroxysme, toute la ville bat au rythme de l'attente du châtiment de la Gottfried. du petit peuple à l'aristocratie, les crimes de cette femme, qui a agi pendant des années sans être inquiétée, semblent agiter tous les milieux.

Embarquée malgré elle dans cette sombre histoire – car on ne voit pas d'un bon oeil une étrangère venue écrire sur la ville à un si mauvais moment – la jeune narratrice s'interroge sur les motifs qui ont pu pousser la Gottfried à commettre froidement ces meurtres. Mais ses questions dérangent : on préfère invoquer la cupidité, les moeurs légères, le démon qui habite les femmes – oui il paraît que c'est ainsi!) plutôt que penser pulsions incontrôlables ou esprit dérangé. La psychanalyse en est à ses débuts et on veut du concret, de l'expliquable, du condamnable. Et puis penser que des années durant, la Gottfried assassinait sans que jamais personne ne s'en inquiète, préférant croire la maison et l'entourage de la femme frappés par la malédiction, ça dérange et la remise en question n'est pas de mise.

Et finalement si la narratrice renonce à son projet de guide touristique, c'est nous qu'elle emmène, à travers les rebondissements de l'histoire, à visiter Brème. Dans les détails des dessins (du très beau noir et blanc au fusain) de Barbara Yelin, on découvre la ville, les gestes quotidiens mais aussi la mentalité de l'époque, conservatrice, misogyne et hostile aux étrangers, qui cantonne les femmes aux « tâches utiles » – être mère, épouse, bonne maîtresse de maison -, les exhorte à ne point trop penser. Ainsi la narratrice s'entend-elle répondre par le sénateur Droste, juge de l'affaire : « Votre personne confirme une fois de plus qu'une femme n'est pas faite pour les travaux de l'esprit. Une femme devrait rembourser la dette de la vie non par l'action mais par la souffrance. Par la douleur de l'enfantement et la soumission à l'homme, pour qui elle doit être une compagne patiente et agréable. » de quoi donner envie d'empoisonner la gente masculine, non ?

Un roman graphique sombre, très 19ième siècle, qui au-delà du fait-divers et de l'enquête, cerne le climat d'une époque. Une bien belle découverte !
Lien : http://lencreuse.over-blog.com
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