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Critique de bdelhausse


Cette BD atypique met en scène Antonin Artaud à deux moments-clés de sa vie. D'une part, on le suit dans son voyage au Mexique, dans les années 30. Et d'autre part, on le retrouve en 1944, dans les dernières années de sa vie. Son voyage au Mexique est une quête, un voyage initiatique presque. Pour chercher une nouvelle idée de l'homme, dira Artaud. Un peu ce qui le conduira ensuite en Irlande, à la recherche de racines, de sens.

Le travail graphique de Zéphyr est impressionnant. Il suffit pour s'en convaincre de comparer la BD et les croquis d'Artaud. Sans aller jusqu'à prétendre que Zéphyr "fait du Artaud", il est manifeste que pour dépeindre Cuba, le Mexique ou la France, Zéphyr emprunte de nombreuses idées et techniques à ce que l'on peut appeler la charte graphique d'Artaud.

Les illustrations de feu dans la nuit, les visages qui s'insèrent dans les payasages de montagnes, les expressions faciales... tout cela rend compte d'une approche très fidèle à celle d'Artaud. On passe de choses brutes, minérales, à des choses plus construites, viscérales. On navigue des origines du monde à la civilisation moderne.

Je ne connaissais que la face "acteur" d'Artaud. Mais la BD m'a poussé à creuser dans la vie et l'oeuvre d'Antonin Artaud. de son passage au Mexique vont survenir des textes mexicains. Il va écrire pour la presse, il va donner des conférences à l'université de Mexico. Il va écrire Au pays des Tarahumaras, un livre sur le peuple qu'il visite et qui (selon la rumeur) l'initie au rite du peyotl. A ce moment-là, Artaud était déjà un sacré junkie. Laudanum, opium (qui a parlé de Petitbonum?). On découvre un Antonin Artaud sensible au discours anti-colonialiste, pris dans le conflit civil mexicain (gouvernement contre indiens). On le voit sensible à la montée des extrémismes, tout en gardant un goût prononcé pour une poésie complexe.

Les auteurs n'épargnent rien. On suit la descente aux enfers d'Artaud. de tripots en bordels, de trafics en revente d'objets personnels. D'hallucinations en internements. de crises de manque en traitements par électro-chocs... Mais en même temps, le lecteur est en prise directe avec le Mexique précapitaliste.

Au final, la BD est étrange, car il y a très peu de texte. de nombreuses planches font défiler les paysages, les expériences sous dope, les divagations, les symboles indiens. Je pense aux danses rituelles lors de la prise de peyotl... l'évolution de la vision entre net et flou... Superbe. C'est immersif en ce qui me concerne. C'est une vision d'Artaud, il y en a certainement d'autres, j'en suis sûr. Elle m'aura incité à pousser mes recherches pour en savoir davantage sur l'artiste. J'ai beaucoup aimé.
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