Billie regarde toujours le verre à moitié plein. Partout où je vais, cette Espagnole au caractère bien trempé n’est jamais loin. Elle est mon double tout en étant mon opposé, à nous deux nous sommes un paradoxe, un assemblage de pièces détachées. On s’est rencontrées dans le ventre de nos mères. Le coup de foudre a été immédiat, si bien qu’on a grandi collées, comme deux inséparables. p. 34
Chez nous, la question du père est un terrain miné. Rares sont les personnes qui osent s'y aventurer. Nos cartes d'identité signent leur lâcheté et les pages blanches de nos livrets de famille racontent pour nous ce qu'on préfère ignorer.
S'aimer soi-meme est certainement la plus grande des libertés qu'il puisse exister, le reste viendra, tu verras.
Tu sais, Mars, toutes les nuits sont belles pour changer de vie, à condition qu’on en ait envie , me confie-t-elle en essuyant la larme qui coule le long de ma joue.
Ai-je encore le droit de rêver ? N’ai-je pas dépassé l’âge limite ? 29 ans, c’est à la fois beaucoup et peu, pas assez et trop. À l’âge où tant d’autres femmes se marient, font leur premier ou deuxième enfant, achètent leur première maison, je m’apprête à peine à devenir grande. Pourquoi mon conte devait-il ressembler aux autres ? C’est peut-être ça, une princesse autonome : une femme qui redéfinit les codes, créer de nouvelles définitions et dépoussière ces vieux contes. Je ne veux plus attendre que quelqu’un se penche sur mon berceau, je veux tenir la baguette magique et devenir ma propre fée.
Mon cerveau de petite fille s’était arrangé avec ce puzzle de vérités, pour en faire une théorie rassurante : les mamans vivaient sur terre, les papas volaient dans les airs.
L’écriture permet d’écouter. On ne peut pas se couper la parole, surréagir ou se fâcher. On prend le temps de comprendre, d’assimiler.
Prologue
Je m’appelle Mars, mais, à ce qu’il paraît, je viens de Vénus. Je n’ai toujours pas compris quelle idée avait poussé ma mère à me donner ce prénom aussi étrange que ridicule. Je connais mon père, mais de loin, et ça me va très bien. Il m’a donné ses yeux vert émeraude teintés de jaune, tant pis pour lui, tant mieux pour moi, arme secrète pour hypnotiser ces hommes qui ne savent pas aimer. Si la séduction est d’une simplicité, l’amour, c’est une autre affaire et visiblement pas la mienne. Toute forme d’attachement me révulse, les mots mielleux me font gerber. Mon canard, mon lapin, mon cœur, ma douce, ma belle, mon bébé, merci bien, Mars suffira. C’est assez et déjà trop pour ne pas en rajouter avec des surnoms bidon. Je m’amuse avec les cœurs comme on joue avec des cartes, ne promets jamais rien, me déguise en princesse le temps d’arriver dans leur lit, vomis les contes de fées une fois le jour levé et disparais avant même que mes conquêtes d’un soir aient eu le temps de se réveiller. Je baise, je jouis, je me barre. Je préfère être un bon souvenir qu’une histoire regrettable. Je ne m’encombre de rien, vis comme je danse et parle comme je pense. Je clope comme un pompier, Marlboro rouge s’il vous plaît, et bois du whisky sans grimacer. Je ne supporte pas le refus, affectionne les interdits, pisse la porte ouverte et si je pouvais-je pisserais debout. Le danger ne me fait pas peur. Au mieux il m’excite, au pire il me distrait. Mon corps ressemble à une carte aux trésors dont mes tatouages sont les indices et ma chevelure mi-lionne, mi-renarde, ainsi que mon grain de beauté au ras des cils, ma marque de fabrique. Je me maquille peu, mais bien, juste ce qu’il faut pour cacher l’irréparable. Je n’ai pas de style, m’habille comme ça vient. Une nuit Converse, un jour talons aiguilles. J’ai une grande gueule et une belle bouche. Putain et merde sont mes jurons préférés, la provocation est ma meilleure amie et l’humour noir, mon outil favori pour faire grincer des dents les culs serrés, les hypocrites, les lâches et êtres en tout genre, aficionados du conformisme. Je ne m’endors jamais sans une nuit agitée, somnifère idéal pour aller à la rencontre de mes rêves et mettre en pause mon cerveau survolté. Je dors peu, mal, et repars de plus belle. Ma vie est un énorme désordre bien huilé, orchestré par mes pagailles internes.
Je préfère être un bon souvenir qu'une histoire regrettable.
Ce n’est pas parce qu’on fait des pas en arrière ou de côté, qu’on ne peut pas aller de l’avant !