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Critique de Leolag


ATTENTION SPOILERS

***

Un gros livre, un peu à la Guerre et Paix (mais pas aussi conséquent toutefois) sur la haute aristocratie hongroise de la fin du XIXe siècle et surtout du début du XXe siècle, période qui nous intéresse le plus. A travers des portraits de personnages ciselés - le comte Istvan Dukay, dit Dupi, sa femme Kristina, leurs enfants, leurs proches, les domestiques… - c'est à la fois la haute société européenne et les drames politiques de cette période troublée que recouvre d'un oeil nouveau Lajos Zihaly, lui-même issu de la petite noblesse hongroise.

A travers deux grandes parties de tailles très différentes, l'auteur étudie principalement les deux filles Dukay et en profite pour rappeler la situation politique de l'époque : via Kristina, certaine d'épouser un jour l'empereur d'Autriche, on revit la fin du règne de François-Joseph, la double-Monarchie, la Première Guerre Mondiale et l'exil de la famille impérial - à noter la fin un peu décevante (presque « nunuche ») de la prophétie annoncée à Kristina : « et un jour, vous tiendrez entre vos mains le coeur du roi… »

La deuxième partie, deux fois et demie plus longue, s'intitule « le crépuscule doré » et traite de la soeur de Kristina, Terezia, dite Zia, autrement plus vivante, moins guindée et aristocratique que sa soeur - et cela de par sa gouvernante française, dite Berili. Les rapports entre aristocratie et société paysannes sont étudiés grâce aux passages du fastueux mariage avec un prince italien, de la réforme agraire envisagée par les progressistes, le tout sur un fond de montée de la crise internationale.
La rage de l'orgueil blessé s'empare de nous après l'indigne comportement du prince Ozzolini tandis que c'est bien davantage une douce mélancolie qui ressort de ces années passées sur l'étonnante île de Mandria.

Des passages s'attachent à la situation autour des protagonistes majeurs que sont Zia, le comte Istvan Dukay et Kristina. On s'intéresse un peu aux domestiques, moins à György ou Janos, à peine évoqués et on s'attache au jeune Rere, simplet et si attendrissant.

L'humour de l'auteur est mordant, y aurait-il une rancoeur envers ce milieu ? Il conserve une distance quant à la politique - son attitude d'anti-pacifiste pendant l'entre-deux-guerres est extrêmement intéressante - d'autant que le livre a naturellement été écrit après ces évènements. Il aime à entretenir une discussion pas même lassante entre l'auteur et le lecteur (du type « mais nous ne pouvons pas révéler cela de suite au lecteur »). Les descriptions sont parfois longuettes (le mariage de Zia et du Prince Ozzolini), quelques passages un peu mièvres (les journaux non écrits de Zia et Ursi) mais tout cela est rattrapé par la psychologie très travaillée des personnages.

On pourrait regretter l'annonce systématique - même si cela est souvent sous-entendu - des évènements à venir, effaçant une bonne partie du suspense tout en nous tenant en haleine sur les moyens de parvenir à la situation annoncée. On déplore l'ellipse sur la révolution de Bela Kun. Et on se prend à rêver d'une suite à peine esquissée de ce maître-ouvrage qui s'arrête à la déclaration de guerre de 1939 - on sait que Kristina finira assassinée par les fascistes pour avoir défendu son mari, médecin juif, et que Janos s'emploiera activement dans l'antisémitisme. Mais de nombreux personnages sont esquissés sans être véritablement utilisés, comme si l'auteur s'était lassé des nouveaux jouets qu'il avait créés : les intellectuels Paul Fogoly et Bognar, le fameux homme politique opportuniste Schurler, le maire Makkosh, proche de Ursi, l'administrateur Egry-Toth… On s'attend à une suite, à des études plus poussées de ces personnages dans de petites monographies.

La « fin d'un monde » est un peu trop rappelée, ce qui à mon sens en réduit l'effet, quoique la destinée des enfants Dukay semble éloquente : Rere, simplet ; Kristina, mystique de la monarchie et membre reconnu de la jet set ; György, travailleur acharné marié à une roturière américaine ; Janos, nazi entretenant des relations avec son précepteur et enfin Terezia (Zia), divorcée d'un prince italien et épouse d'un astronome communiste.

Un livre captivant, d'autant plus qu'il fut lu dans un château hongrois, autrement plus moderne, mais avec un oiseau également sur les armoiries comtales…
P.S. Il y a bien une suite puisque je viens de découvrir qu'il s'agit là du premier opus d'une trilogie !
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