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Critique de Takalirsa


Une plongée fascinante, bien qu'impitoyable, dans le monde des grands magasins !
Quel plaisir de se replonger dans du Zola! de retrouver cette précision de l'écriture, l'art de dresser un décor, de camper un portrait en quelques mots ! Ruche, cathédrale, machine, séducteur : les images ne manquent pas pour donner vie au rutilant Bonheur des Dames, ses étalages de marchandises, ses flots de clientes émerveillées. Telle une nouvelle religion dont les femmes sont les "dévotes", tel un amant qui attire, flatte et charme, le grand magasin capture ses proies avec une facilité affligeante : "Nous les tenons à notre merci", "Elles succombent fatalement"... Et on les vit avec elles, ces "plaisirs coupables de femmes" incapables de résister à une belle étoffe, à une confection élégante ! Oui, maître Zola fait de sa faible lectrice une "conquise comme les autres" !..

Du point de vue des employés, c'est autre chose... Finie la sensualité, c'est plutôt à une machine que le système fait penser : "Tous n'étaient plus que des rouages, abdiquant leur personnalité, additionnant simplement leurs forces". Il faut vendre, à tout prix (au sens propre comme au figuré !), "jeter les clientes à la caisse", cumuler toujours plus de bénéfices. Ce n'est plus un magasin, c'est "un monstre", qui dévore les acheteuses, ruine ses concurrents, épuise les employés dans de misérables guerres intestines. Car les vendeurs(euses) touchent un pourcentage sur leurs ventes qui est déterminant dans leur salaire, et doivent "déloger le camarade au-dessus de soi pour monter d'un échelon", la compétition est donc rude entre eux ! Et notre Denise, si "simple et douce", si sensible et réservée, fait office de pucelle dans un tel milieu... Avec son allure de "mal peignée" débarquée tout droit de province, avec son honnêteté un brin naïve mais ô combien admirable, la jeune femme est bien malmenée, subissant mesquineries et commérages. Pour autant elle symbolise la droiture et l'intégrité dans un monde régi par le pouvoir et la puissance : "l'estime de soi avant tout".

Mouret le visionnaire qui a su imposer "la puissance du nouveau commerce", révolutionnant le métier à grand renfort de publicité et de catalogues, de fer, de verre et de lumière ; l'homme d'affaires qui impose ses conditions aux fabricants, asphyxie les petits commerçants ; le patron asservissant ses employés (qui dorment sur place, subissent un couvre-feu, doivent rendre compte de leur temps libre !) ; le "mâle" exécrable qui se targue de maîtriser "l'exploitation de la femme", "de garder sa royauté sur les désirs épandus de son peuple de clientes" ; Mouret se heurte à l'inflexibilité de la petite Denise qui se refuse à lui !.. A "la vanité de sa fortune" !.. Non l'amour et l'indépendance ne se monnaient pas comme un bâtiment ou un article ! "Y laisser ma peau plutôt que de céder"...

L'histoire, malgré son issue, laissera un goût amer. Donnant l'impression qu'au fond, les choses ont peu évolué dans les grandes enseignes. Que si Denise s'est montrée plus forte qu'il n'y paraît, cela ne lui aura pas valu que du bonheur. Que la guerre des millions aura fait bien des victimes collatérales. Mais tout de même, cette saga des Rougon-Macquart, quel "bonheur" !
Lien : http://www.takalirsa.fr/au-b..
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