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Critique de Nastie92


♬ J'ai bien mangé, j'ai bien bu. J'ai la peau du ventre bien tendue... ♬
Quel livre !
C'est un véritable menu gastronomique que nous offre Émile Zola, complet et copieux.
Après La Curée, les intérieurs luxueux et les toilettes recherchées, Zola plonge brutalement ses lecteurs au milieu des étals de poissons ou dans une charcuterie en pleine fabrication du boudin. Quel contraste !
On dirait presque que l'auteur s'est livré à un exercice de style, tant l'histoire est secondaire dans ce troisième volume des Rougon-Macquart.
Le ventre de Paris est le roman des descriptions.
Les descriptions, toutes les descriptions, rien que des descriptions. Enfin... presque.
Le ventre de Paris sollicite les cinq sens du lecteur.
L'idée m'a souvent traversé l'esprit de respirer certaines pages du livre pour essayer d'y sentir les odeurs que le texte faisait naître dans mon esprit. J'ai même été tentée d'en déchirer certaines pour les déguster...
Je vous rassure tout de suite sur mon état mental : je ne l'ai pas fait. Mais ce n'est pas faute d'en avoir eu envie !
Zola nous met littéralement l'eau à la bouche avec ce Ventre de Paris... qui a failli terminer dans le mien.
En premier, la vue, évidemment. Légumes, viandes, poissons, tout y passe et après avoir lu le roman, on ne regarde plus un étalage de la même façon.
L'odorat, bien sûr. Les fromages, entre autres, m'ont fascinée. En fermant les yeux, je les ai vus et sentis.
L'ouïe. Zola nous fait entendre toutes sortes de sons. Du bruit effréné qui règne dans les Halles à la musique plus subtile d'un plat qui mijote.
Le toucher. Velouté, piquant, mou, dur, fondant et quantité d'adjectifs pour nous faire toucher des yeux les denrées exposées.
Et n'oublions pas le goût ! Certains passages m'ont mis l'eau à la bouche, littéralement.
Le ventre de Paris, c'est une incroyable richesse de langue au service de toutes ces descriptions.
Un régal littéraire.
C'est aussi une abondance, voire une surabondance de nourriture.
Florent qui débarque aux Halles se sent perdu, comme englouti par cette avalanche de denrées. En décalage complet avec l'ambiance des lieux. "À cette heure, il était seul, il pouvait crever, sur le pavé, comme un chien perdu." : le flot d'hommes et de marchandises dans lequel il est plongé accentue son sentiment de solitude.
Et comme si cela ne suffisait pas, Florent détonne dans cet environnement où il est de bon ton d'être bien en chair : "ils le regardaient avec l'étonnement de gens très gras pris d'une vague inquiétude en face d'un maigre." Parce que le ventre de Paris, c'est aussi la bataille du gras contre le maigre, et Florent le décharné est d'emblée suspect. Les gens riches mangent en quantité et s'offrent les meilleurs morceaux. Leur silhouette s'en ressent et ils se distinguent des pauvres.
Comme dans les autres volumes des Rougon-Macquart, Zola décrit la société du Second Empire. Ici, il s'intéresse plus particulièrement aux petits commerçants qui vivent une grande période de prospérité, et à leurs clients. L'appât du gain des premiers contre l'avidité d'achats des seconds, préfiguration de notre société de consommation.
Zola a créé une belle galerie de personnages vivant dans les Halles ou gravitant autour. La jalousie est à l'oeuvre, ragots et cancans vont bon train sous l'impulsion d'une belle bande de commères, l'inénarrable mademoiselle Saget en tête. Malfaisante à souhait, c'est le genre de personnage de fiction que l'on adore détester. Une grande réussite.
Le ventre de Paris me conforte dans mon amour de Zola et mon envie de poursuivre la lecture du cycle des Rougon-Macquart.
Je ne peux que vous encourager à plonger à votre tour dans ce Ventre saisissant, mais prenez une bonne inspiration avant de sauter, vous en aurez besoin !
Je termine avec une petite remarque, qui vaut ce qu'elle vaut.
Je lis toujours plusieurs livres en parallèle, parce que j'aime avancer sur différents genres de lectures. Cette façon de lire m'a été très bénéfique ici : lorsque l'indigestion menaçait, lorsque je sentais poindre le trop plein de victuailles, changer de livre m'a permis de prendre une petite pause salutaire qui a parfois fait office de trou normand !
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