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Critique de Marcc


Marcc
23 novembre 2021
L'Assommoir! Avec ce titre on connait déjà le programme, nous mettre définitivement le moral dans les chaussettes. Zola continue son entreprise documentaire avec cette fois-ci l'exploration du prolétariat urbain en chroniquant la vie de la blanchisseuse Gervaise.

C'est mon quatrième Rougon Macquart et je retrouve une structure d'ouvrage familière, une première partie immersive dans le quotidien du sujet du jour et une seconde consacrée au délitement spectaculaire d'une existence. Les qualités descriptives de L'Assommoir sont incontestables, on est plongé dans des atmosphères denses (immeuble ouvrier, atelier de travail, lavoir) jusqu'à l'étouffement. Pour l'instant en terme de style c'est mon opus favori de la série.

Plus gênant en revanche c'est le projet littéraire d'Emile Zola qui maquille de naturalisme un récit noyé de pathos. Pour donner un maximum d'impact à la narration l'auteur nous vautre dans le glauque total, quand on pense toucher le fond il reste des abysses de noirceurs. le trait est beaucoup trop forcé. C'est le même défaut qu'avec la Terre, il n'y a pas d'équilibre dans le roman qui calcule les fortes émotions qu'il doit produire : au mieux un coup de blues et au pire de l'indignation (la meilleure des publicités). le lecteur en mal d'intensité est servi. L'intention de Zola de nous en mettre pleins la face apparaît en transparence, il est incapable de se retenir d'expliciter son propos. Par exemple les rares moments de jouissances des personnages ou leurs bons sentiments ne sont jamais joyeux mais toujours dépeints comme grotesques et sales. Ça donne une scène d'anthologie avec le chapitre du banquet qui pourrait être de la littérature comique mais ici malheureusement étiquetée comme documentaire. D'ailleurs quelques sentences laconiques parcourent le livre avec cet effet comique alors que c'est écrit sérieusment.

Pour un roman social Zola se montre incroyablement moralisateur envers les classes populaires qui commettent les sept pêchés capitaux, ils y sont tous. L'alcool imbibe la déchéance ambiante mais n'est pas à son origine, c'est moins la boisson qui précipite la chute de Gervaise que ses défauts de caractères. L'auteur sait se montrer fin psychologue quand il connait le sujet dans sa chaire (L'Oeuvre), ici on sent qu'il comprend moins les ressorts intimes des personnages, il observe de loin et juge. Gervaise est faible parce qu'elle est faible, Coupeau est alcoolique parce qu'il est oisif, Lantier est une ordure parce que c'est une ordure.

L'Assommoir est un solide roman ça vaut le coup de le lire pour s'imaginer les parcours de vie ouvriers à Paris, le pari de l'auteur à cet égard est parfaitement réussi. Attention cependant au statut de chef d'oeuvre de l'Assommoir qui inhibe la capacité à voir ses défauts et à prendre pour argent comptant les dires de Zola.
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