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Critique de JBLM


Autant le dire tout de suite, et ainsi que le suggère Zola dès les premières lignes de l'oeuvre, on comprend très rapidement qu'on ne va pas beaucoup s'amuser durant cette lecture. Oeuvre profondément noire et poussiéreuse, où les personnages odieux extérieurement et intérieurement évoluent dans une atmosphère presque exclusivement visqueuse et froide, Thérèse Raquin raconte moins l'histoire d'un meurtre que l'histoire d'un remords. le crime est commis assez prématurément, sans fioritures excessives ; ce sont les tentatives des criminels pour se débarrasser du spectre de leur victime qui occupent la majeure partie de l'oeuvre, qui justifient de longs développements où l'impossibilité de retrouver la paix intérieure se manifeste en analyses psychologiques, en décisions contradictoires et en gestes compulsifs, désespérés et, évidemment, vains. Ce récit, ainsi que cette recherche plus ou moins sincère de rédemption ponctuée de voltefaces, est traitée de façon assez simple sur la forme, l'histoire se lit très facilement et avance vite. Je suis un peu surpris par le choix du titre, dans la mesure où Thérèse n'y est pas beaucoup plus importante que Laurent, deux personnages dont le cheminement est pratiquement parallèle à partir du moment fatidique du meurtre.

Pour l'auteur, le comportement humain est directement lié aux phénomènes du corps, où le caractère et l'instinct ne sont en réalité que des symptômes de la lutte d'influence que se livrent le sang et les nerfs. Il en résulte une surabondance du thème du corps, présent dans quasiment tous les paragraphes du récit, avec un point d'apogée dans le chapitre de la Morgue, vaste étalage mondain et morbide de chair humaine inerte. En parlant de « chair », d'ailleurs, il serait intéressant de compter le nombre d'occurrences de ce mot qui constitue, à n'en pas douter, une obsession de l'écrivain. Il en résulte une idée plutôt cynique de l'homme (et de la femme) gouverné par son corps à son insu, dont la raison ne vient que produire le prétexte qui lui donne l'illusion de décider les actes qu'il commet, alors que sa facette « animale » les lui dicte en réalité, en attendant que sa facette « humaine » finisse par y adhérer suffisamment pour la laisser transgresser la morale.

La morale, c'est peut-être d'ailleurs ce qui m'a le moins plu dans cette oeuvre, dont les aspects sordides, évoqués jusqu'ici, ne sont pas une mauvaise chose en soi. On a en effet un peu l'impression de lire une illustration des vieux cours de morale de la IIIème République, avec leurs litanies de phrases toutes faites récitées machinalement et quotidiennement par les élèves au point qu'elles en sont devenues des proverbes : « Bien mal acquis ne profite guère. », « L'oisiveté est mère de tous les vices. », « A qui mal fait, mal arrive. », etc. La conséquence de cette démarche, pour le coup, moralisatrice à souhait, avec un narrateur omniscient qui ne se prive pas de juger sévèrement les personnages, est que le livre aurait assez mal vieilli aux yeux d'un lectorat contemporain peut-être plus indépendant et plus friand d'implicite qu'autrefois, n'eussent été quelques chapitres qui s'absolvent de ce schéma simpliste pour proposer autre chose. Par exemple, la première nuit de cauchemar de Laurent est un grand moment de suspense, de même que l'affirmation de son talent artistique, hanté toutefois par le visage du disparu, est très frappante.

Un livre un peu prescriptif, donc, mais qui permet au lecteur de faire le plein de macabre, et se révèle extrêmement accessible sur un plan littéraire (on n'est pas encore à la surenchère de technicité de l'écrivain naturaliste), à partir d'un point de vue très singulier sur le tempérament humain.
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