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Critique de scob


Émile Zola, ce maître du naturalisme, aurait probablement été excellent pour animer l'emission "Faites entrer l'accusé" si l'époque l'avait permis. Je me demande même dans quoi il n'aurait pas été excellent ... Secret Story peut-être.

Quoi qu'il en soit, j'avoue que je ne m'attendais pas à un thriller en commençant à lire « Thérèse Raquin » qui s'avère être un véritable manuel des fantasmes meurtriers.

Ah, la littérature française, toujours prête à nous rappeler comment le bonheur est une illusion et l'ennui peut mener au crime.

Thérèse Raquin, bichette, est coincée dans un mariage guère plus passionnant qu'un reportage sur la vie sexuelle du pape. Elle se retrouve à aider sa belle mère à gérer une mercerie dans une rue morbide de Paris.

Mariée (un peu par obligation) à Camille, son cousin, qui a autant de charisme qu'un élu LREM, Thérèse voit sa vie transformée par l'arrivée de Laurent, un peintre raté.
Mais je vous en prie. Figurez-vous que Thérèse n'est pas moche. Elle n'a pas un physique facile, c'est différent. Quand à Laurent, malgré un charme de camembert bien fait, elle s'éprend de lui. L'amour n'a pas de loi, même au XIXe siècle.

Dans les premiers temps, ils élaborent des stratagèmes pour se voir en cachette dans la chambre de Thérèse, avec toujours la crainte de se faire prendre en flag de galipettes par Camille ou par la belle mère.

La passion les dévore mais ils ne laissent rien transparaître, surtout lors des réunions festives du jeudi soir où des parties endiablées de dominos sont organisées avec des amis communs. Ah on savait s'amuser à l'époque, y'a pas à dire !

Rapidement, les deux amants décident que la meilleure manière de consolider leur relation est de se débarrasser de Camille. Mais comment faire ? Bah, "ça dépend, ça dépasse" dirait une autre Thérèse quelques 100 ans plus tard. Finalement, ils se mettent d'accord sur la solution la plus ultime : le meurtre.

Tel un petit Grégory, Camille, cet ennuyeux de service, est noyé lors d'une sortie en barque qui tourne mal. Un crime parfait ? Presque.
La police n'y voit que du feu. Mme Raquin, dévastée par la mort de son fils, ne peut pas se douter de la tactique sournoise imaginée par la belle fille et le meilleur ami de son fils.
Et en plus, Columbo n'était pas encore né pour démêler l'affaire.

Le crime réalisé et le pauvre Camille enterré, Laurent et Thérèse, enfin libérés de leur fardeau vont enfin pouvoir s'envoyer en l'air sans culpabilité.

Ah bon ? Vous croyez ça vous ?
Et bien, non !

Les deux amants, fraîchement remariés pour faire les choses dans les règles (quand même, faut pas abuser) sombrent rapidement dans une paranoïa délirante, engendrée par la culpabilité. le mariage ne se passe pas vraiment comme ils l'espéraient, et les galipettes se transforment au fur et à mesure en engueulades et parfois Laurent met des trempes à sa femme à coup de fer à souder, parce qu'il n'est pas bricoleur (pour ceux qui ont la ref).

Zola, avec sa plume aussi légendaire que contemporaine, ne nous épargne rien. Les descriptions des états d'âme de nos chers meurtriers sont si détaillées qu'on en vient à se demander si Zola n'avait pas lui-même quelques cadavres dans son placard.

Chaque regard échangé, chaque sueur froide est passée au crible. On pourrait presque sentir le remords nous suinter par les pores.

Et puis, il y a Madame Raquin, la mère de Camille, personnage aussi aimable qu'un contrôleur fiscal. Paralysée et réduite à un état végétatif. Ayant découvert le pot aux roses, elle devient un témoin silencieux et vengeur du drame qui se joue sous ses yeux. Les scènes où elle tente désespérément de communiquer sa haine et son dégoût sont des moments de pure tragédie comique.

Mais soyons honnêtes, ce qui rend « Thérèse Raquin » vraiment captivant, c'est cette exploration sans concession des profondeurs humaines. Thérèse, avec ses désirs refoulés, et Laurent, avec son ambition maladive, sont des personnages complexes et fascinants dont on observe la déchéance vers la folie.

Zola n'offre aucune échappatoire, aucune rédemption. Ses personnages sont condamnés à se débattre dans leur propre misère, et nous, lecteurs voyeurs, ne pouvons que les suivre avec un mélange de fascination et de dégoût.

En fin de compte, « Thérèse Raquin » est un chef-d'oeuvre de noirceur, un miroir impitoyable tendu à nos propres faiblesses.

Et malgré tout, ou peut-être à cause de cela, il reste un classique incontournable.

C'est c'la, oui !

scob
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