Le monde se tient par la violence raisonnable, pas par la révolte sauvage !
Considère la fabrication du mobilier de son appartement après son mariage comme le point culminant de son existence.
Ces fous connurent un sort cruel : ils furent désarmés, séparés, lavés de force, habillés de vêtements neufs et forcés d'écouter de la musique en consommant des mets fastueux en compagnie de femmes splendides.
III. Toujours de la vie de Monsieur Ikaï
Monsieur Ikaï avait oublié les paroles de son ennemi spécialisé. Tout était calme. Ses amis et ses ennemis spécialisés, qui touchaient tous régulièrement leurs gages, lui parlaient de la nature humaine du point de vue de leurs disciplines respectives et assuraient qu'elle était encline à la soumission, ce qui avait calmé ses inquiétudes.
Les visages ornementaux lui souriaient lorsqu'il le désirait. Les tables, les étagères, les divans et les tapis moelleux de femmes superbes lui obéissaient au doigt et à l'oeil. La bibliothèque humaine charmait ses oreilles par tous les moyens. Même sa femme cessa de le tromper. On avait seulement dû renvoyer à cause d'elle quelques matelas, coussins et porte-manteaux.
La vie suivait tranquillement son cours, tout semblait normal, comme tout semble toujours normal dans la vie, quoiqu'il arrive.
Et un beau jour, un jour comme les autres, alors que, comme toujours, la vie respirait à pleins poumons et que les vastes étendues inhabitées semblaient endormies et que la rosée recouvrait les champs et qu'une mer de brouillard recouvrait la terre et que le vent agaçait la chevelure des forêts, les gens se révoltèrent.
Dans les appartements, les caves, les mines et les ateliers, les coeurs se mirent à battre, les âmes se révoltèrent, les têtes y virent clair.
Les jantes, les chaises, les étagères, les lampes se mirent à crier...
Les insultés, les humiliés, pliés sous le poids de l'esclavage, se mirent à crier.
- Nous ne voulons plus être des jantes !
- Nous ne voulons plus être des chaises et des lits !
- Nous ne voulons plus décorer le cabinet d'Ikaï ! Nos visages ne sont pas de décorations !
Les tapis et les lampes, les divans et les matelas se mirent à courir à travers les couloirs, les escaliers, les chambres, les pièces, les pelles et les marteaux se réunirent dans la cour.