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Critique de AgatheDumaurier


Coup de sang à la lecture, je reste sous le choc.
Je ne l'avais pas lu, celui-là. Il est extraordinaire.
Les critiques et les notes ont l'air de dire qu'il est inachevé, mais ce n'est pas sûr. En tout cas, il fut abandonné en l'état en 1938, et non relu. Il est composé de deux parties très distinctes, rédigées à deux périodes différentes, et cela se sent. Une première partie rédigée en 1930-1931,et l'autre 1937-1938, puis laissée de côté, je me répète.
Nous sommes en 1926. La première partie est centrée autour du personnage de Christine Hoflehner. C'est une jeune employée des postes dont la famille a été ruinée par la première guerre mondiale. le frère et le père sont morts, elle végète avec sa mère très malade dans un trou autrichien. Elle a 28 ans, sa jeunesse a été ravagée par le conflit, elle survit avec son travail abêtissant dans une semi pauvreté. Un jour, miracle, la riche tante d'Amerique en visite au pays l'invite à passer une quinzaine dans un grand hôtel de luxe en Suisse...ivresse de la métamorphose...en quelques chapitres éblouissants, nous assistons à la transformation de la petite souris grise en "charming girl" séduisant un vieux lord et bijou du palace...Et puis...minuit sonne et Cendrillon doit rentrer chez elle...Je ne dis pas tout bien sûr. Tout cela est passionnant.
Deuxième partie : Ferdinand. C'est lui qui attire à présent la lumière, mais une lumière sombre et inquiétante. La guerre et la pauvreté en ont fait une âme jumelle de Christine. Quel avenir pour ces deux écorchés vifs ? Tout cela se passe entre l'été et l'automne 1926...
Je n'ai pas pu lever le nez du texte tant j'étais fascinée par le destin des deux héros, et submergée par la réflexion de Zweig sur les conséquences de la guerre en Autriche, ses ravages sociaux, la pauvreté des vétérans, l'indifférence de l'État à leur égard, la catastrophe qui s'annonce, bien que non nommée, il est trop tôt en 1926. C'est aussi dans l'âme de Zweig que la tragédie s'annonce, car autant dans la partie rédigée en 1931 affleurent légèreté et satire, autant la deuxième partie de 1938 suinte l'angoisse et les ténèbres. Cette schizophrénie du roman est en elle-même fascinante. On a peine à reconnaitre le même monde, voire les mêmes personnages. C'est un témoignage fondamental sur l'état d'esprit des Autrichiens pendant l'entre-deux guerres. Une génération sacrifiée, ruinée, attirée par le néant et la mort.
Là, vraiment, j'ai l'impression d'avoir lu un grand livre.
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