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Critique de StCyr


Un baron tente en écrivant, de fixer pour mieux le comprendre et en jouir, un évènement dont le souvenir l'obsède. Cette nuit fantastique, synonyme de renversement des valeurs sera le choc nécessaire à l'avènement d'un nouvel homme.

Le personnage-narrateur est un riche héritier qui mène une vie de dilettante répondant à sa prédilection pour une existence contemplative et exempte de remoud. Cet aristocrate souffre d'une forme d'impuissance morale, d'une incapacité à prendre possession de son destin; suite logique de l'écartement de toutes résistances dans son existence, par la satisfaction aisée et calme de ses désirs; d'où une froideur et une insensibilité qui en découle, proches d'une forme de mort affective. Au cours d'une promenade en fiacre, il arrive à un hippodrome et assiste à l'agitation fiévreuse et avide d'une foule en délire; son regard sur ces possédés du turf est ironique, légèrement méprisant, mais au fond assez envieux de cette passion qu'elle sait éprouver. Cet épisode est aussi l'occasion d'une passe d'armes avec une femme au contours voluptueux, dont toute l'attitude semble représenter pour lui un défi libertin; duel qu'il remporte dans une satisfaction non sexuelle, mais non moins intense, par la mortification de son mari joueur grâce au billet - élément dramatique du récit -, par lui perdu à la faveur de la cohue. Il éprouve un plaisir sadique à le laisser chercher en vain le ticket qu'il dissimule sous sa chaussure, plaisir pervers qui s'accroît d'autant avec la frustration imaginée du mari, car le billet s'avère être gagnant. Répugnant à conserver le produit d'un larcin, il rejoue à dessein de perdre, mais le démon du jeu progresse, et lui qui d'habitude est si pondéré en vient à oublier convenances, politesse, dignité et mesure. L'analyse de cette passion fait ressurgir des tréfonds ignorés de son être une sensibilité et des pulsions dont l'authenticité avait été mis sous l'éteignoir d'une vie dite civilisée. Joie maligne, honte délicieuse, fierté de la faute, toute cette “confusion des sentiments”, cette fermentation lourde de penchants contraires sont une découverte délicieuse, un éveil à un sentiment primitif de vie frémissante. Poursuivant sa déambulation toute palpitante d'émotions nouvelles, son être perçois à la faveur d'une kermesse populaire, une forme de porosité entre son moi et cette populace grouillante d'humanité, répondant à une aspiration de communion dans une unanimité oublieuse d'une individualité oppressante. Cependant tout le désigne comme un étranger et il fait l'amère expérience de l'incommunicabilité entre les êtres. A la nuit tombée la découverte des bas-fonds des prostituées et des rôdeurs s'assimile à une sorte d'ivresse de la chute, une volupté intellectuelle de jouir de l'aventure dégradante, un jeu de mise en péril de son existence, qui en retour donnent plus de sel et de valeur à cette vie. Au gré de cette virée nocturne s'éveillera en lui des sentiments plus humains et généreux : compassion fraternelle pour les malfrats par nécessité - lui qui fut voleur par caprice -, joie du don librement consenti, de se donner et de se prodiguer; sentiments qui culmineront par une frénésie de redistribution aux nécessiteux du produit de son larcin.

Cette nouvelle est d'une densité psychologique remarquable et les sujets traités rappellent à l'évidence Dostoïevski.
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