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Critique de svecs


svecs
26 septembre 2018
J'ai ressenti un étrange malaise à la lecture de ce livre.
La volonté de l'auteur est de relater quelques moments choisis de l'histoire de l'Humanité. Il alterne "grande histoire", comme la prise de Byzance ou la débacle de Waterloo avec d'autres épisodes plus tournés vers les grandes réalisations humaines, que ce soit la pose du premier cable télégraphique dans l'Atlantique ou la composition de la Marseillaise. Selon les sujets abordés, certains chapitres m'intéressent plus que d'autres. Ainsi, le récit exalté de la genèse de Messie de Haendel me laisse plutôt froid. Au contraire, l'entreprise titanesque de Cyrus W Field, qui relia l'Europe et l'Amérique au réseau télégraphique me passionne.
Mais, dès le deuxième récit consacré à la recherche del l'El Dorado, une gêne s'installe.
Stefan Zweig, en plus d'être un grand écrivain, était un humaniste convaincu, un esprit progressiste et brillant. le fait que chacune de ces très riches heures de l'Humanité ne prenne en compte que l'histoire "européenne" n'est pas en soi dérangeant. C'est un choix de l'auteur, forcément subjectif dans lequel je ne vois pas de mauvaises intentions.
Mais comment ne pas trouver étonnant que dans ce récit épique, il insiste lourdement sur le fait que les conquistadors soient les premiers hommes à admirer l'Océan Pacifique ? Il traite déjà avec beaucoup d'indulgence les exactions des conquistadors. Mais il assimile de fait l'Humanité aux seuls Européens, niant de fait l'appartenance des Amérindiens à cette Humanité qu'il entend célébrer.
Et que dire de cette petite phrase sur l'odyssée tragique de Suter, aventurier suisse qui s'appropria la Californie, obligé de défendre son bien contre les "envahisseurs indigènes" ? Bel oxymore qui en dit long.
Dans l'un des derniers chapitres relatant la conquête du Pôle Sud, il écrit "des contrées encore enveloppées de ténèbres il y a soixante ans sont déjà assujetties au besoin de l'Europe". Encore une fois, on ne peut soupçonner Zweig de racisme à titre personnel. Ce genre de phrase chez Céline ne m'aurait pas fait autrement tiquer. Chez un esprit aussi éclairé que Zweig, ces phrases écrites il y a 90 ans à peine, me rappellent à quel point la société avait intériorisé (et continue de le faire) une vision complètement tronquée du monde, justifiant l'inacceptable et entérinant une lecture révisionniste de l'histoire.
Il s'agit d'un exemple édifiant du racisme structurel. Et cela m'a directement rappelé un dialogue au début de "l'autre côté du Soleil" de Chimamanda Ngonzi Adichie. l'action se déroule ua début des années 60, dans un Nigéria indépendant. Un jeune nigérian y apprend qu'il y a 2 réponses aux choses qu'on enseigne au Nigéria: la vraie réponse et celle qu'on doit donner à l'école. Suit l'exemple de la découverte du fleuve Niger, qui a été découvert par un blanc du nom de Mungo Park, alors même que l'on pêchait déjà bien avant la naissance des grands-parents de Mungo Park. Je vous laisse deviner quelle est la réponse pour l'école.
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