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Critique de 5Arabella


Zweig travaille sur Montaigne juste avant de se donner la mort, son texte a été retrouvé dans ses papiers et publié en 1960. Il n'était sans doute pas achevé, quelques jours avant son suicide, il le présentait comme un premier brouillon. Mais étrangement, je l'ai apprécié tel quel, ramassé, allant à l'essentiel, sans effets de manche.

C'est apparemment quelque peu par hasard que Montaigne a été la dernière oeuvre de Zweig : il ne l'a pas vraiment aimé lors d'une première lecture pendant ses jeunes années. Mais il découvrit une version des Essais dans sa maison, et la relecture l'a transportée. A ce moment de sa vie, Montaigne faisait écho en lui. Il l'explique au début de son texte : Montaigne est un auteur dont la signification ne se révèle qu'à un moment précis, celui d'un monde qui s'écroule, un monde de violence, de choix difficiles, où il faut définir ce que l'on entend par être un homme, une personne véritable. Il pose la question de la liberté de l'âme, la liberté individuelle, de la fidélité à soi-même, de l'essentiel dans les apparences trompeuses. Il devient une sorte de modèle, à qui s'identifier et dans lequel puiser courage et inspiration. Zweig va donc dérouler la vie de Michel en mettant en évidence ces aspects essentiels pour lui.

Une vie relativement simple. Après avoir présenté la vie des générations qui ont précédé, Zweig dépeint l'éducation, en avance sur son temps. Les trois premières années passés dans la cabane d'un charbonnier, pour affermir le corps, puis une éducation humaniste au château familiale, avec l'apprentissage du latin, comme langue maternelle, tout en lui laissant une grande liberté et en le choyant. Il subit ensuite l'école, et fait des études de droit. Il tentera de suivre les pas de son père et de s'engager dans la gestion de Bordeaux, mais sans grand succès. Il va alors se retrancher dans le château familial, et s'y réserver une tour, avec sa bibliothèque. Il va y écrire les premiers tomes de ses Essais, essayer de se connaître lui-même. Il s'y cherche, mais au-delà, y cherche « l'homme originel ». Zweig insiste sur le fait que cette recherche n'est jamais prescriptive, qu'elle n'aboutit pas à vouloir imposer aux autres un modèle.

Mais il finit par quitter sa tour. Zweig pense que le retranchement dans la tour, à la recherche d'une liberté intérieure aboutit au final à une contrainte, non moins lourde que celle des charges politiques, des affaires. Car il y a le quotidien à gérer, les biens, les proches. Et ce n'est pas moins contraignant que les affaires du monde. Montaigne finit donc par s'échapper, à voyage. En Italie il est rattrapé par l'histoire : sans s'être présenté, il est élu maire de Bordeaux et le roi lui commande d'accepter cette charge. Il interviendra ensuite comme intermédiaire entre Henri III et le futur Henri IV pour aider à trouver un accord, qui permette d'éloigner le spectre des guerres civiles. Il ne souhaitera pas devenir conseiller de Henri IV après son accession au pouvoir, il préférera se préparer en douceur à la mort.

Zweig brosse un joli portrait de Montaigne, certes sans doute avec un parti pris, mais convaincant et touchant, très vivant et humain.
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