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Critique de JabyOby


Ce livre se laisse lire comme un conte, avec deux niveaux de lecture qui permet de lire avec ou sans prise de tête suivant ce qu'on y recherche.

* La bouche pleine de terre *

C'est l'histoire d'un homme, se sachant condamné par une maladie, décide de retourner au Monténégro où il est né mais n'a jamais vécu. Il descend du train au hasard et s'enfonce dans les montagnes couvertes de forêts, non loin de la capitale Podgorica, avec la mer qui s'étend au loin.

Il y a deux narrateurs qui alternent : « il » pour l'homme qui fuit (en italique), « nous » pour la foule qui lui court après (en droit).
Chaque geste apparaît ainsi décrit deux fois, mais ces points de vue n'interprètent pas du tout les mêmes choses, au point que leurs subjectivités leur font voir des choses tout à fait différentes. Ils surinterprètent les intentions, mécomprennent les sentiments, tombent dans des contresens à l'opposé de la réalité.
C'est cela qui conduit ce début d'histoire anodin à se muer peu à peu en une gigantesque chasse à l'homme. Les narrateurs alternent très rapidement, parfois avec une phrase chacun. Cela donne un rythme haletant à la course poursuite.

L'action dérape très progressivement. Phrase après phrase, l'étrange s'immisce et l'étau se resserre. L'effet de groupe y est pour beaucoup, les volontés des individus constituent lentement un groupe, puis la volonté du groupe efface peu à peu celle des individus.
J'ai eu un petit peu de mal à tout comprendre des premières pages, car le livre ne prend pas vraiment par la main, mais ensuite je me suis totalement laissée embarquer dans l'action et les émotions. Ces deux dernières restent cohérentes de proche en proche, pour aboutir à une situation complètement absurde qui va beaucoup trop loin. J'ai trouvé cette montée en puissance très réussie.

Les thèmes se répondent aussi, de la même manière de proche en proche, avec pas mal d'habileté de l'auteur pour les lier. Quand un narrateur évoque l'amour, l'autre évoque la haine. de nombreux diptyques apparaissent ainsi, avec leurs subtilités et leurs nuances en évolution constante : honte de soi et fierté, peur et mépris, curiosité et absence de réponse, la motivation de la vie et le non-sens qu'est la mort...

Je suis en admiration totale devant le style : les décors, les images, les sensations. Tout est épuré, les seuls détails donnés créent une atmosphère vraiment particulière. On nous parle des couleurs de l'air, d'une multitude d'odeurs, des paysages dépouillés et tout en relief.
Ce style particulier décrit aussi des sentiments puissants qui ne s'embarrassent pas de paraître raisonnables ou de former un tout cohérents, ils suivent juste le cours sinueux des pensées.


* La Mort de M. Golouja *

C'est l'histoire d'un homme qui descend par hasard d'un train dans une petite ville sans intérêt. (Déjà vu ?) Les habitants se demandent pourquoi il a choisi leur ville ennuyeuse pour passer ses vacances. Il ment pour se rendre intéressant en disant qu'il a choisi cette ville pour se donner la mort.
Comme il ne se passe jamais rien dans ce village, les habitants se réjouissent qu'il arrive enfin quelque chose de dramatique qui les sorte de leur morosité constante.
Cela devient un jeu de plus en plus malsain...

Moins d'action et plus d'humour, avec encore une fois un suspense rampant tandis que l'étau se resserre très progressivement sur lui.

Encore une fois, j'aime énormément le style épuré, onirique et sensitif. Il y a en plus une bonne dose de fantastique et de mystère.

Les deux nouvelles ont beau être assez courtes (une soixantaine de pages chacune), on trouve des ressemblances évidentes entre les deux, comme des variations autour d'un même thème, aussi bien dans la narration que les idées.
Par exemple, le personnage principal descend par hasard d'un train au début, les deux intrigues qui dévoilent très rapidement que la mort est une issue probable, l'intérêt élevé au niveau d'absurdité que la foule accorde au personnage...
Cela peut s'avérer être des manières un peu faciles de construire la narration. Je me demande si ces éléments avaient un sens particulier pour l'auteur, vu que les deux personnages partagent aussi avec l'auteur le fait d'être un Serbe né au Monténégro.

Il y a quelques passages un peu misogynes. C'est tellement caricaturé que ça en devient presque drôle. En fait, il parle des femmes un peu comme des extraterrestres qu'il ne connaîtrait pas bien et essaierait maladroitement de décrire. La caricature tombe à côté.
Après, les hommes ne sont pas non plus décrits méliorativement. C'est une satire, les femmes et les hommes sont tous deux moqués mais différemment.

* Conclusion *

Ça m'arrive très rarement d'être fan, ou ne serait-ce que sensible à un style d'écriture. Je n'en ai souvent pas grand chose à faire tant que cela reste compréhensible. Mais là c'est inédit pour moi, je suis complètement fan de cette plume. C'est sans aucun doute très subjectif.
En tout cas, en plus de l'aspect d'allégorie onirique et satirique qui me plaît beaucoup, c'est le style qui me fera revenir vers ces nouvelles et découvrir les (malheureusement trop peu nombreuses) autres oeuvres de l'auteur.
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