Je me souviens avoir été heureuse pendant ces années où mes grands-parents - ma grand-mère surtout - m'ont élevée. J'ai peu d'images précises, j'ai tant occulté mon enfance. Il me reste quelques bribes.
Ma mère m'a accueillie froidement. Elle m'a accueillie comme on accueille une mauvaise nouvelle. Avec une grimace. Il n'y pas eu d'embrassade. Elle m'a indiqué ma chambre et m'a dit d'aller ranger mes affaires. J'ai suivi mon père qui a posé ma valise sur mon lit et m'a laissé seule, en refermant la porte derrière lui.
J'ai attendu. Je me suis assise sur le lit, ma valise bouclée à côté de moi. Pleurant. Pleurant ma grand-mère qui roulait vers Aix-en-Provence. Pleurant cet accueil glacial. Pleurant sur moi, sur ce que j'avais quitté et sur l'inconnu qui m'attendait. Pleurant jusqu'à ne plus savoir pourquoi je pleurais. Pleurant sur mes pleurs. Lorsque je n'ai plus eu de larmes, lorsque j'ai été convaincue que la porte de ma chambre ne s'ouvrirait pas, que personne ne viendrait défaire ma valise, j'ai rangé, bien soigneusement, mes affaires dans mon armoire, comme ma grand-mère m'avait appris à le faire.