Citations sur Ne suis-je pas une femme ? Femmes noires et féminisme (30)
Il est évident que de nombreuses femmes, et plus particulièrement ces femmes blanches qui ont été à l'avant-garde du mou-vement, se sont approprié le féminisme pour servir leurs buts personnels, mais plutôt que de me résigner à cette appropriation, je choisis de me réapproprier le terme « féminisme », pour insister sur le fait qu'être « féministe » dans un sens authentique, c'est vouloir la libération des rôles sexistes, de la domination et de l'oppression pour toutes les personnes, femmes et hommes.
Apprendre l'autodéfense aux femmes afin qu'elles puissent se défendre contre les violeurs n'est pas la même chose que de changer la société afin que les hommes ne violent plus. Créer des foyers pour femmes battues ne change pas la mentalité des hommes qui les battent, ni la culture qui promeut et cautionne leur violence. Attaquer l'hétérosexualité ne renforce pas l'image de soi des femmes qui désirent être avec des hommes. Condamner le travail domestique comme étant ingrat ne rend pas à la ménagère la fierté et la dignité au travail dont elle est privée par la dévalorisation patriarcale. Exiger la fin du sexisme institutionnalisé ne garantit pas la fin de l'oppression sexiste.
On ne peut parler de droits des femmes sans inclure toutes les femmes; lorsqu'une seule femme est privée de ses droits, ce sont toutes les femmes qui sont niées.
Si la femme blanche s’était battue pour changer le sort de la femme noir esclave, c’est sa propre position sociale dans la hiérarchie sexe-race qui aurait été mise en péril.
Ce [le mouvement des droits civiques] qui avait débuté comme un mouvement pour la libération de toutes les personnes noires de l'oppression raciste est devenu un nouvement dont le but premier était l'établissement d'un patriarcat noir. […] Que les femmes noires aient été victimes des oppressions à la fois sexistes et racistes était considéré comme insignifiant, parce que la souffrance des femmes, si grande qu'elle ait pu être, ne pouvait pas prévaloir sur la douleur des hommes.
On nous a demandé de nier une partie de nous-mêmes - et nous l'avons fait. Par conséquent, lorsque le mouvement des femmes a soulevé le problème de l'oppression sexiste, nous avons défendu l'idée que le sexisme était insignifiant à la lumière de la réalité plus sévère et brutale du racisme. Nous avions peur de reconnaître que le sexisme pouvait être tout aussi oppressant que le racisme. Nous nous sommes cramponnées à l'espoir que la libération de l'oppression raciale serait tout ce dont nous aurions besoin pour être libres. Nous étions une nouvelle génération de femmes noires à qui on avait appris à se soumettre, à accepter l'infériorité sexuelle et à se taire.
Cette peur d'admettre les différences [de couleur] est à la base du tabou autour de la notion de race, qui a d'ailleurs atteint son paroxysme le 16 mai 2013, jour où fut adoptée une proposition de loi du Front de gauche supprimant le mot « race » de la législation française.
Or, faire disparaître le mot « race » ne signifie pas faire disparaître le racisme, ni les races elles-mêmes. Les Blanc.he.s et les Noire.s ont bien une place distincte dans la hiérarchie sociale en France. Et c'est bien dans cette dimension qu'il faut envisager la race : comme une construction sociale.
Bien que les hommes et les femmes noir.e.s aient lutté tout autant pour la libération pendant l'esclavage et une bonne partie de la période de la Reconstruction, les leaders politiques noirs masculins ont perpétué des valeurs patriarcales.
En tant que personnes de couleur, notre lutte contre l'impérialisme racial aurait dû nous apprendre que partout où il existe des relations maître/esclave, opprimé.e/oppresseurs.e, la violence, la rébellion et la haine infiltrent tous les éléments de nos vies. Il ne peut y avoir de liberté pour les hommes noirs tant qu'ils prônent l'assujettissement des femmes noires. Il ne peut y avoir de liberté pour les hommes sexistes d'aucune race tant qu'ils prônent l'assujettissement des femmes.
Les chercheurs racistes ont fait comme si les femmes noires qui remplissaient leur rôle de mère et subvenaient aux besoins de leur famille faisaient par là des choses jamais vues nécessitant de nouvelles définitions, bien qu’il n’ait as été rare pour nombre de femmes blanches pauvres ou veuves d’effectuer ces deux rôles en même temps. Pourtant ils ont qualifié les femmes noires de matriarches – un titre qui ne décrit en aucun cas le statut des femmes noires aux États-Unis. Aucun matriarcat n’y a jamais existé. (p. 131)