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Critique de Toocha


Toocha
30 septembre 2017
Sur le Mont Gourougou, qui surplombe l'enclave espagnole de Melilla au Maroc, s'entremêlent voix, récits, parcours et nationalités, dans l'attente et l'espoir d'atteindre l'Europe de l'autre côté de la barrière de barbelés.

Dans le huis clos à ciel ouvert du campement, les hommes s'échappent dans l'imaginaire à la veillée et entrelacent les histoires des chemins qui les ont conduit jusque là ; leur mélodieuse cacophonie emprunte alors ceux du conte. Le microcosme construit ses mythes, du football sacré à Omar Salanga l'homme qui se baigne nu dans les rivières ou Aliko le Riche.
Mais la promiscuité, l'attente, la police des forêts, le froid et la faim imposent de plus en plus durement le versant sombre du mont Gourougou, et la tonalité douce des veillées vacille au profit d'un réalisme aussi douloureux que l'histoire de Shania, une des rares femmes du camp, livrée à l'emprise d'un faux bienfaiteur. C'est l'énergie du désespoir qui poussera alors un groupe à s'élancer au sommet des barbelés pour la conduire, elle et une autre femme, toutes deux blessées, vers le sol européen autant qu'un hôpital.

Je garderai de cette lecture l'image dure des deux femmes, déjà meurtries, en haut de la clôture, en écho aux images contemporaines des migrants tentant de franchir les rangs de grillages de la frontière de Melilla. A cet égard, Juan Tomás Ávila Laurel se fait bien le porte-parole, au sens littéral, de la voix et de la vie des migrants aux silhouettes entr'aperçues au sommet des clôtures de barbelés.
La traduction française a fait l'objet d'un soin manifeste, s'attachant à restituer l'oralité et la musicalité du texte.
Néanmoins, et à la différence évidente des réfugiés, j'aurais aimé m'installer plus durablement sur le mont Gourougou ; si le caractère parfois elliptique du récit participe de sa force suggestive, la brièveté du roman, s'ajoutant à la fugacité de la rencontre de chaque personnage, m'ont laissé un sentiment d'incomplétude, voire de superficialité, contrastant avec l'intention de rendre voix aux migrants.

Je remercie Babelio et les éditions Asphalte de m'avoir permis, dans le cadre de l'opération Masse Critique, de découvrir ce texte (et la collection de cette maison, du reste -- j'ai apprécié la playlist constituée par l'auteur pour accompagner le texte, qui sied particulièrement à la lecture des veillées au début du roman ; or, je me suis aperçue qu'il s'agissait d'une proposition systématique de cette maison d'édition pour ses publications).
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