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Critique de kielosa



Roy Cohn (1927-1986) a sûrement été l'un des personnages les plus affreux et dégoûtants que l'on puisse trouver dans les livres d'histoire du siècle dernier. Il a cumulé pendant ses 59 ans d'existence un nombre de défauts et d'actions pernicieuses qui défient l'imagination !
Je trouve que l'auteur, Nicholas von Hoffman, lui a fait beaucoup d'honneur en choisissant pour la biographie de ce bonhomme un titre qui fait référence au film célèbre, avec un majestueux Orson Welles, "Citizen Kane". Notre Roy Marcus Cohn ne ressemble nullement à Welles et encore moins à James Woods, qui l'a incarné dans le film réalisé par Frank Pierson en 1992 : "Citizen Cohn, le persécuteur".

Nicholas von Hoffman a écrit une dizaine de livres, entre autres sur les mensonges de la Maison-Blanche et celui-ci en 1988, mais il a été surtout connu et craint comme journaliste du sérieux Washington Post. Il est mort le 1er février de cette année à l'âge de 88 ans.

Le récit commence par la mort atroce de Roy Cohn du SIDA à l'Institut National de la Santé à Bethesda dans le Maryland le 2 août 1986. Quelques mois au paravent, à l'occasion d'une grande fête pour ses 59 ans, dans la foule des curieux il y avaient Lee Iacocca (le créateur de la Ford Mustang), l'écrivain Norman Mailer, l'auteur de "Les nus et les morts" et ...Donald Trump.

Que le premier chapitre est intitulé "Mama's Boy" ne relève pas d'un hasard. Bien que le grand-père de Roy, un pauvre immigré russe ait fait fortune en créant la "Bank of United States" avec 57 agences, ce qui a permis à sa fille Dora Marcus, la mère de Roy, d'épouser Albert Cohn et à celui-ci de devenir juge à New York, n'empêche pas que dans la famille Marcus il y ait eu plusieurs cas de débilité mentale, notamment sa grand-mère et un oncle. Pour beaucoup de personnes qui l'ont connu Dora avait aussi un grain. Quoi qu'il en soit, pour Dora, son enfant unique était son Dieu, qui avait toujours raison. Tout petit Roy a profité et abusé de la situation.
Lorsqu'en 1933 la banque Marcus a fait faillite et que son oncle Bernie Marcus s'est retrouvé à la prison de Sing Sing, son père, trop souvent absent pour des raisons politiques au sein du Part Démocrate, n'a pas réussi à rectifier le tir dans l'éducation de son fils. Roy était un gamin intelligent mais pourri gâté, qui a compris très jeune jusqu'où le pouvoir pouvait le conduire.

Il s'intéressait déjà comme gosse à la politique et était très fier d'avoir serré la main du Président Franklin Roosevelt, lorsqu'il n'avait que 10 ans. Après ses études de droit à l'université de Columbia, il se spécialisait dans la fabrication de dossiers contre des membres du Parti communiste américain ou supposés tels. Il en avait déjà 12 à son palmarès lorsqu'il devint l'assistant d'un autre affreux, l'ignoble sénateur Joseph McCarthy.
C'est la période connue sous les noms de la "Chasse aux Sorcières" et la "Croisade anticommuniste". McCarthy est allé si loin que le sénat a finalement voté à une large majorité (67 contre 22) une motion de censure contre lui. Son assistant principal, Roy Cohn, en est même venu à mains avec Robert Kennedy. Entretemps, des célébrités comme Charlie Chaplin, Jules Dassin, Joseph Losey et Bertolt Brecht avaient choisi l'exil et les régisseurs Dalton Trumbo et Edward Dmytryk se sont retrouvés en taule. Ce grand politicien est mort d'une hépatite due à l'alcoolisme en 1957, à l'âge de 48 ans !

Le nom de Roy Cohn sera pour l'éternité lié à celui d'Ethel Rosenberg, qui ensemble avec son mari Julius, sera exécutée sur la chaise électrique comme espionne atomique le 19 juin 1953. Si, d'après les archives soviétiques Julius Rosenberg était un petit membre d'un réseau communiste subalterne, Ethel n'a fait que passer de simples messages. C'est Roy Cohn qui a insisté auprès du juge Irving Kaufman de l'exécuter également. Il en a d'ailleurs été fier puisqu'il le mentionne dans son autobiographie en ajoutant qu'il avait même "exercé des pressions illicites" sur le juge à cet effet.

Après ces années de lutte anticommuniste, le sieur Cohn a été l'avocat de personnages comme Donald Trump et Rupert Murdoch, ainsi que des chefs mafiosi tels Carmine Galante, Tony Salerno et John Gotti. le Donald, selon Wikipédia, aurait déclaré à Newsweek en 1979 : "Si vous avez besoin de quelqu'un qui peut devenir vicieux contre vos opposants, vous faites appel à Roy".

Par un groupe de 5 juges de la Cour Suprême, le vicieux fut exclu du barreau pour conduite non professionnelle et immorale ("unethical" conduct), y compris le détournement de fonds de ses clients. Entre autres la falsification du testament du multimillionnaire Lewis Rosenstiel sur son lit de mort, en sa faveur. La punition est, à mon avis, intervenue royalement tard, car seulement 2 mois avant sa mort.

Trump avait raison de qualifier Cohn de vicieux, seulement il n'avait nullement besoin d'opposants pour être vicieux. C'était sa nature profonde.
Comme Juif il s'est fait remarquer pour ses propos antisémites, tout comme homosexuel par des propos homophobes.
L'historien britannique, Eric Hobshawn, lui a trouvé un autre qualificatif comme il ressort de son ouvrage de 1999 : "Epitaph for a Villain".

Cet ouvrage volumineux (481 pages en petits caractères, y compris une bibliographie + registre et 16 extra pages de photos) de Nicholas von Hoffman illustre de façon exemplaire 2 grands maux du pouvoir politique aux États-Unis : la place prépondérante de l'argent et le système bipartite, qui avec la formule "winner takes all" ne laisse que peu de place au compromis et permet au gagnant des élections une marge de manoeuvre malsaine. Donald Trump en est un parfait exemple.
Quoique des personnes abjectes et méprisables à ce pont que ce Roy Cohn doivent être, heureusement, très rares. Un seul dans un système infecte peut cependant causer de colossaux dégâts.
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