Elenya

La saison des pluies avait pris fin depuis peu mais il traînait de lourds nuages dans le ciel encore barbouillé de nuit. Un peu de rose s'étirait à l'est, comme de fragiles lèvres célestes s'essayant à un sourire timide.

La robe d'écailles - Brice Tarvel

L'hyène, bête hypocrite et malfaisante, l'hyène tombée au fonds d'un puits, qui déploie un tel bagout qu'un buffle, passant par là, accepte qu'elle s'agrippe à sa queue pour la sortir du trou.
Un buffle candide et très serviable, qui ne se serait jamais douté qu'aussitôt sauvée, l'hyène va l'attaquer. Ce qu'elle fait pourtant et ce que constate, passant par là, un éléphant qui demande à ces deux de reprendre l'histoire à zéro. De sorte que l'hyène, féroce mais sans cervelle, replonge dans ce puits où l'éléphant et le buffle, reprenant placidement leurs activités respectives, l'y laissent hurler indéfiniment.

Alors que les voiles de la diligence se gonflaient sous l'effet d'une brise légère, Panaille se pencha par dessus la rambarde.
De là où il se tenait, il parvenait à distinguer avec suffisamment de précision les détails de la terre ferme pour savoir qu'ils arriveraient bientôt à destination.
Les premières habitations de la grande ville de Boston avaient déjà laissé place aux immenses cheminées des usines et la diligence entama un long virage pour éviter les nuages noirs qui s'en dégageaient.
La machine volante ne se déplaça malheureusement pas assez vite et Panaille eut juste le temps d'enfouir son nez dans son foulard pour préserver ses poumons ...

" ...Elle s'en voulait, pas seulement d'avoir suivi le tanneur, mais surtout d'avoir ressenti cet appel de la chair et ce gout du sang. Depuis ce jour L'Abbé Albert guidé sa vie. Il lui avait appris à rester chaste en remplaçant son désir sexuel par un autre plaisir bien plus étrange dans lequel Palmyre trouvait des désirs inimaginables.
Le père Albert avait gardé ce gout de la chasteté de ses années passées au sein de l’église; idéaliste déçu par son manque de foi des fidèles de sa paroisse, se sentant délaissé par ses pairs qui riaient sous cape quand il leur faisait part de son aversion envers ses personnes qui se disaient pieuses et ne suivaient pas les préceptes de Dieu, il avait décidé de relire la Bible. Il n'y avait trouvé que la confirmation de ce qu'il pensait : les pécheurs devaient être châtiés, mais il était surtout arrivé à la conclusion que Dieu lui-même est impur et que l'homme est à son image ...."
Carine Roucan " Il faudrait être fou pour être fou de vous ..."

— La vie est une maladie, homme perdu, un équilibre qui fait de ce qui n'est pas, quelque chose qui est. La vie doit toujours s'achever un jour ou l'autre.

La voie du dessous - Jean Millemann

Après quelques minutes, il ouvrit un oeil larmoyant et la beauté de la vue lui coupa le souffle. Tout autour de lui, des champs cotonneux aux myriades de reflets colorés s'étendaient à l'infini. Une légère brise venait gonfler mollement les voiles de l'Avaleur de Nuages, poussant des vagues vaporeuses à venir s'échouer silencieusement contre sa coque. Là, seul au monde, perdu au milieu du ciel, Panaille se sentit enfin en paix.

(dans la nouvelle "L'Avaleur de Nuages" de Tiphaine LEVILLAIN)

[...] Vous quittez Paris : le monde s'offre à vous ! Vous vous plairiez dans mon pays. Ailleurs, vous pourriez devenir meneur de loups. Ou chasseur de monstres, ou pistolero. Mais poète, c'est déjà beaucoup. Notre discussion m'en avait donné l'impression, maintenant je peux l'affimer, comme l'affirmerait un vieux sage : si vous ne vous laissez pas aller, si vous n'oubliez pas les créatures opprimées, Paris, Sedan, la Commune, alors votre nom restera dans les mémoires bien plus longtemps que le mien. Votre nom d'ailleurs, quel est-il ?

- Rimbaud, vieux sage. Je m'appelle Arthur Rimbaud.

Un nuage voile la lune. Une chimère frémit. Elle replie imperceptiblement ses ailes, ne bougera jamais plus. Son coeur minéral bat une dernière fois, une toute dernière fois. La créature s'endort enfin, d'un sommeil immortel, alors que le poète avale sa dernière gorgée d'absinthe.

(dans la nouvelle "Dernière Absinthe à Paris" de Dean VERETZA)

" ..Inquiète à l'idée de faire de mauvaises rencontres, mais déterminée, elle marcha d'un pas alerte en rasant les murs bordant les ruelles obscures. Alors qu'elle pénétrait dans le jardin public de Castello pour rejoindre la lagune, elle perçut le chant. Les notes cristallines traversaient l'espace étoilé du ciel de Venise afin de la convier au fabuleux concert ! Ne voulant rien manquer, elle accéléra puis se mit à courir à travers les bosquets. Comme elle frôlait les haies d'arbustes, les feuilles s’agitèrent, semblant lui murmurer : " N'y vas pas, n'y vas pas ...." "
"Un chant dans la lagune " O'Scaryne

"Au-dessus u groupe canadien il y a David Bowie. En-dessous, il y a éventuellement Dieu, pour les croyants". in "Super 8" par Thomas Geha

Elle découvrit la boîte contenant la robe de Valentin sur son lit. Elle en souleva rapidement le couvercle. Du bleu et des dentelles. Elle grinça des dents avec colère et partit en quête de sa combinaison de cuir. Elle l'enfila aussi vite que possible et saisit sa cape rouge, pendue dans l'armoire. Son corps était tendu par l'anticipation, l'excitation et la colère. Elle remonta plusieurs de ses animaux à rouages qu'elle envoya en reconnaissance dans le couloir, petits veilleurs mécaniques guettant leur proie. Puis elle rabattit le capuchon sur ses cheveux blonds, ouvrit la fenêtre et s'enfonça dans la nuit. Il lui faudrait attendre un peu, cachée dans les ombres, que la scène se mette en place. Tout autour d'elle, la Londres nocturne s'éveillait doucement, et la brume montait dans les ruelles de Whitechapel.

(dans la nouvelle "Les promenades nocturnes" de Floriane SOULAS)