La halte, la station du Pôle, est celle de la pure existenciation [al-îjâd as-sarf] ; il exécute le Commandement (divin) et dispense (yusarrifu) la sagesse. Des liens subtils (raqâyiq), (dispensateurs) de bien et de mal d'une manière égale, le relient aux cœurs de l'ensemble des créatures, sans qu'aucun de ces deux aspects ne prenne le pas sur l'autre : pour lui, ces liens ne sont ni un bien ni un mal, mais simplement une possibilité de manifestation qui n'apparaîtra comme telle (bien ou mal) qu'en s'existentiant au lieu prédisposé à cette manifestation.
(Vue de l'extérieur), la condition du Pôle est des plus communes ; il n'y a rien en lui qui semble le distinguer d'autrui. Bien qu'il ait entre les mains les trésors de la Générosité divine [khazâ’in al-jûd] (12), il ne mange pas de nourriture céleste (min al-ghayb), ne vole pas dans les airs, ni ne marche sur les eaux. Tous les Pôles, sans exception, reçoivent (de Dieu) dans une même proportion les sciences qui sont caractéristiques de leur fonction. Cependant, Dieu peut accorder à certains d'entre eux d'autres sciences supplémentaires qui ne sont pas une conséquence de celle-ci. Le Pôle n'entre en possession de sa fonction qu'après avoir synthétisé en lui tous les états spirituels et toutes les stations que doivent parcourir les « itinérants » (sâlikûn), stations dont la première est le repentir [at-tawbah] et la dernière, la permanence [al-baqâ’].
Un Arabe, jusque-là spectateur impassible, s'en approcha alors sans l'effrayer, comme s'il en eût été connu, le caressa de la voix et de la main, le saisit par la crinière, car sa bride était en mille pièces, et, sans difficulté aucune, le ramena docile au sultan étonné.