-Je peux entrer ?
Rahhh! Elle n'aimait pas. Elle ne voulait pas que les entrent chez elle.
Ils pouvaient voir dans quelle misère son mari et elle vivaient, alors qu'ils avaient emménagé dans ce quartier chic. Ils pouvaient sentir l'odeur de friture qui s'était inscrutée dans les murs tellement les patates peuplaient leurs menus. Sans parler des meubles et de la déco.
La rue, ça n'est pas rose mais c'est la liberté. Posséder, ça nous enchaîne. Quand on porte toutes ses affaires sur le dos, on n'a pas besoin de revenir au point de départ, chaque soir, comme tous ceux qui vivent dans des maisons. Sur la route, on ne fait pas le yo-yo depuis le boulot vers la vie enfermée entre les quatre murs qui emprisonnent tout l'amour de nos proches. Sur la route, on est souvent seul, l'amour ne se mendie pas, et reculer pour mieux aimer n'est pas possible. Alors on va plus loin et plus loin encore, en espérant que ça ne finira jamais. En espérant pourtant qu'on en sortira.
Alors je vous le dit : cessez de penser aux autres, pensez à vous. Regardez-vous dans un miroir, regardez votre vie et oubliez celle des autres. Ne tenez pas compte de ce que les gens pensent et vivez pour vous. Ils ne vont pas vous faire vivre et encore moins vous aider à avancer.
On avait grandi trop loin l'un de l'autre, les dernières années, pour partager encore ne serait-ce qu'un semblant de complicité.
[...] Tous les trois, nous étions des étrangers les uns pour les autres. On ne se disait jamais rien, on ne partagerait rien, on s'évitait.
"Arriver au terme d'un projet, était-ce forcément le réussir?" (p. 44)
C'est parce-que personne ne cherche à connaître son prochain que les choses vont mal. Enfin ça ne règle pas tout, bien sûr, mais les belles rencontres, on s'en souvient longtemps.
Mais je ne connais aucun sans abri qui accepterait de dormir loin de ses chiens. Ils sont tout pour nous : nos amis, nos confidents et même nos gardes du corps.
Mais même une journée n'était que quelques instants de cette longue agonie qu'est la vie à la rue.
Enfin je l'avais voulu, je l'avais longuement réfléchi, je ne pouvais donc pas me tromper.