Alain Gnaedig - Autour de Jens-Christian Grondhal .
Alain Gnaedig, traducteur, vous parle de sa rencontre avec l'auteur danois, Jens-Christian Grondhalhttp://www.mollat.com/livres/jens-christian-grondahl-quatre-jours-mars-9782070125289.html
Mais, en ce jour de début juillet, Hutton avait présenté la troisième partie de ses théories sur la Terre aux membres de la société savante. Il était encore tard sur la terre, la main invisible d'Adam Smith et le Dieu de Tante Beth veillaient sur toutes les horloges d'Édimbourg et sur la bonne marche du monde : la mort fauchait d'abord les indigents, les moutons des seigneurs chassaient des hautes terres les pauvres gens, les affameurs de l'univers cultivaient leur entregent. Le savoir était peut-être pouvoir et puissance, mais, aux yeux du jeune homme, il ne rendait pas nécessairement l'homme plus libre et plus éclairé.
Il s'agissait ainsi de polir ses humanités, de voir comment l'on pratiquait le droit sous d'autres cieux, de rencontrer des antiquaires et des collectionneurs. Et puis, surtout, de voir le monde et ses curiosités. L'ailleurs. D'autres cieux.
Le grand-père Kenneth parlait avec ferveur des cabinets des collèges d'Aberdeen, qui ne magnifiaient pas le curieux mais favorisaient la science, qui n'étaient pas entre les mains d'une personne mais d'institutions, car il fallait mettre la connaissance et le savoir à la disposition de tous.
Madeleine choisit d'ignorer la phrase de son frère, pour cette fois, tandis que Walter songeait que la religion était une sorte de papier peint élégant pour se tapisser l'esprit. Alors que, lui, il avait décidé de recourir désormais pour ses pensées à la chaux vive de la raison.
Il était avocat de métier, ingénieur par passion et curieux de nature. C'était un homme à la stature altière, à la voix de stentor et au teint rubicond. Il sentait le tabac, le chien, la forge, le whisky et l'eau de Cologne au parfum citronné. (page 11)
Il était tard sur la terre.
L'après-midi savait ce que le matin n'avait jamais soupçonné.
Il voulait retrouver cette émotion exacte, ressentir une fois encore la même sensation. Mais cela n'était jamais la même. Cela ressemblait, cela s'approchait, c'était comme dire presque la même chose. Le même, mais différent.
Le grand-père Kenneth ne comprit pas l'attitude des autorités, car d'habitude, c'était le devoir des plus forts de trouver une solution qui ménage aussi le plus faible et un compromis qui satisfasse tout le monde.
Encore jeune, il semblait déjà être entre deux âges. Le conformisme lui était devenu une seconde nature qui l'empêcherait à jamais de connaître la première. Il incarnait à lui seul la fière race des pense-petit.
Et, en ce jour d'août, Walter se dit que les hommes étaient mus par de bien étranges passions et que sous des aspects les plus respectables, ils menaient parfois une double vie.