Alain Sauteraud - Vivre après ta mort, psychologie du deuil.
Présentation rapide en moins de 3 minutes du livre par l'auteur.
On ne respecte pas le défunt en s'interdisant d'être heureux. Au contraire, on lui enlève tout droit à nous souhaiter le meilleur, on dilapide l'héritage des influences positives qu'il nous a léguées. On sacrifie l'un des sens de sa vie, lui qui a cherché, en y parvenant souvent, à rendre la nôtre meilleure. Ces notions sont souvent d'un grand secours pour oser réinvestir.
... si l'on devait réduire le deuil à un seul mot, ce serait celui de manque. Le défunt nous manque. Ce manque n'est ni une idée ni un événement. Il est plus subtil qu'une émotion. C'est un état dans lequel nous nous trouvons durablement. Il relate une tension liée à l'inassouvissement des retrouvailles.
Cet état de manque pourra évoluer progressivement en une douce et mélancolique nostalgie. Ce mot traduit bien l'émotion du deuil. Moins violent que le manque, il est plus complexe. Il désigne étymologiquement la douleur du retour, du grec nostos, qui désigne "retour" et algos qui veut dire "douleur". La nostalgie est causée par le regret obsédant du pays natal. C'est la douleur du retour impossible. La tristesse d'avoir été heureux. Dans le deuil, il n'y a de peine que parce qu'il y a eu de la joie. La nostalgie est le terme qui me semble le plus spécifique au manque de l'autre. Comment se passer du "pays natal" ?
En un sens, la tristesse est le signe d'une bonne nouvelle. Elle montre que quelque chose a existé et a été bénéfique, au point de nous manquer. Elle indique une voie à suivre : témoigner ici, restaurer ailleurs, se souvenir tout le temps. Si la tristesse devient un problème, c'est seulement lorsqu'elle empêche de nouvelles expériences. Sinon, la tristesse est la trace d'un bonheur : elle témoigne que l'on a été heureux. "Bien que je pleure ici, c'est agréable d'en parler", me confient souvent les patients qui viennent consulter lors d'un deuil. La tristesse s'estompera lorsque, n'ayant pas empêché de vivre, elle aura permis de renouer de nouveaux liens différents.
Combien de temps est-il utile de pleurer ? Personne ne le sait. Mais tout le monde sait qu'arrive un moment où l'on n'a plus besoin de pleurer : l'autre est en nous, il nous a faits, dans notre chair ou notre histoire. Personne ne nous le prendra. Il est toujours avec nous. Il ne nous empêche pas de vivre. Il nous aide à exister, notre vie n'est pas suspendue ni interrompue,elle a repris son cours. C'est cela résoudre un deuil.
La culpabilité, un fois qu'elle est apparue même sans raison, est difficile à faire disparaître. Les voies de la culpabilité "sans faute"sont étranges et méconnues.
... si l'on ne peut pas s'empêcher d'avoir une idée à l'esprit, on n'est pas obligé d'y croire. On peut l'invalider ou la rejeter. C'est ce que nous faisons tous les jours pour des pensées que l'on repousse faute de signification sensée, comme le fait "de ne pas se sentir bien", d'avoir "un mauvais pressentiment" ou au contraire "un optimisme injustifié".
... Il est des gens pétris de qualités qui ne savent pas écouter.
... le deuil n'est pas l'acceptation de la mort, mais l'accommodement à la perte. Et l'accommodation à la perte est un processus qui peut rencontrer des obstacles.
Rien [...] ne ressemble à un mort. Cette immobilité totale nous fait mesurer combien la vie est mouvement, même dans le sommeil. On s'était dit qu'il "reposerait", mais dans le repos on respire, le visage bouge imperceptiblement, les expressions quand le corps est apaisé évoquent la sérénité. Là, tout est immobile. S'il a beaucoup souffert, il peut sembler détendu, mais cette immobilité est stupéfiante.
"La nostalgie, c'est la tristesse d'avoir été heureux", me disait un vieux médecin au soir de sa vie.