Ignacio Padilla :
AmphitryonAu MEXIQUE, depuis IZAMAL, dans le Yucatan,
Olivier BARROT présente le livre de
Ignacio PADILLA "
Amphitryon", édité par Gallimard. Un
roman traduit de l'
espagnol par
Albert BENSOUSSAN et
Anne-Marie CASES.
« Même quand on l’a perdu,
L’amour qu’on a connu
Vous laisse un goût de miel.
L’amour, c’est éternel . »
« Rien ne doit compter en dehors de l’être qu’on aime,
Rien ne doit exister ,
L’amour doit donner des ailes ,
Vous transporter au - dessus de la terre » .
On dit que la vieillesse, le plus souvent, conduit à l'indifférence. Et Marlé est passée maître en la matière. L'on a tendance à croire que ce repli, ce reflux d'énergie, de force, de projet est défaut sénile, sans voir que c'est attitude de sagesse. Le sage est celui qui ne s'étonne de rien, que ne l'a-t-on dit (à l'inverse d'André GIde, ce miroir de lui-même, qui pensait le contraire) ! Le sage est celui qui, en fin de compte ou en bout de course, admet la vanité des jours écoulés, l'inanité de l'accumulation de biens qui fait notre quotidien, ce que l'on a justement appelé "la part maudite" (cette "énergie excédante" dont parle Georges Bataille). Et son regard nous dit, à nous qui luttons encore - struggle for life -, qui vivons d'espoir et d'avenir, nous qui nous battons pour un lopin de terre, ou pour d'inutiles objets, que tout cela ne mène à rien, ou plutôt à tout, c'est-à-dire au néant de la terre, au trou noir, à la fosse.
Et si l'on s'interroge, comme le fit le grand poète aîné Antonio Machado, sur ce crime qui eut lieu à Grenade, si l'on veut savoir ce qui s'es passé au ravin de Viznar, à la "Source des larmes", et si l'on demande qui était la victime et pourquoi le mutisme qui suivit, ce silence après la rafale, cette glace sur les lèvres, ce malaise aux gradins et ce sang répandu sur la peau de taureau alors les pierres vous renverront, en écho cette seule réponse :
C'est Lorca qu'on assassine...
La France vit des heures difficiles, le général Weygand et le corps d’armée sont vaincus et se replient en juin, le maréchal Pétain entre en scène le 17 juin : « Je fais à la France le don de ma personne », et c’est l’armistice. Le 18 juin, De Gaulle, à Londres, reprend la balle au bond : « la France a perdu une bataille, etc… ». C’est la débâcle, Édith, comme tant d’autres, fuit la capitale et se replie sur Toulouse, avec son Meurisse ; et Canetti, avec eux, en bon imprésario, leur organise une tournée du Sud.
Qu’aurait été la chanson française sans ces métèques, ces nomades, ces Juifs réfugiés, comme aussi Francis Lemarque, de son vrai nom Nathan Korb, né d’une Lituanienne (qui sera déportée et mourra à Auschwitz) et d’un Juif polonais, auteur de l’immense succès de Montand, « À Paris », et lui aussi lancé par Canetti. Nous sommes toujours dans le monde d’Édith, qui aura à cœur d’aider les Juifs à payer un passeur et franchir la frontière.