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Citation de Woland


[...] ... Pas mal d'erreurs ont été répandues au sujet de la lutte que Gandhi mena en faveur des "intouchables*" qu'il dénommait euphémiquement : Harijan - enfants de Dieu. Il a été dit que Gandhi se plaisait à vivre avec les "intouchables" ; c'est tout à fait inexact.

Il existe dans l'Inde, des hommes appartenant par hérédité à l'une ou l'autre des castes "intouchables" et qui sont ou riches, ou distingués par leur savoir comme le Dr Ambedkar, possesseur de grades universitaires de plusieurs universités occidentales et qui occupe un poste de ministre dans le gouvernement de l'Inde. L'ostracisme qui frappe la masse des "intouchables" est passablement atténué à leur égard. Quant à la tourbe des parias, Gandhi ne se plaisait certainement pas à partager leurs taudis infects et il serait absurde de lui en faire un grief.

Les conditions dans lesquelles s'est effectué le séjour spectaculaire que Gandhi voulut faire dans le quartier des "intouchables" (en majorité des balayeurs de rue) à Delhi, en 1946, sont peu connues en dehors de l'Inde. Gandhi ne s'installa pas bonnement comme commensal d'une famille de parias. Une maisonnette fut construite spécialement pour lui sur une parcelle de terrain soigneusement nettoyée et, pour en éloigner tout voisinage déplaisant, l'on déplaça un certain nombre d'"intouchables", guenilleux et pouilleux, considérés comme "voisinage déplaisant."

Ce contre quoi Gandhi s'insurgeait, ce n'était pas, précisément, la condition matérielle de la masse (environ 60 millions) d'individus relégués hors de la vie sociale et voués héréditairement à des besognes répugnantes et malsaines ; il s'affligeait, en premier lieu, de l'interdiction faite à ces parias d'entrer dans les temples pour y adorer les dieux. Il lui semblait que, si l'accès des temples leur devenait permis, le reste ne comptait guère. Pour ce reste, c'est-à-dire pour toutes leurs nécessités matérielles, ils pouvaient, eux, les Harijan - les enfants de Dieu - s'en remettre à leur Père.

Nehru était loin de partager ses vues. Il écrivait :

"Derrière le mot, "le Seigneur des pauvres" (Daridranarayan, un terme que Gandhi employait), il semblait y avoir une glorification de la pauvreté. Dieu était spécialement le Dieu des pauvres. Ils étaient son peuple élu. Je suppose que telle est partout l'attitude religieuse. Je ne l'apprécie pas, la pauvreté me semble, au contraire, être une chose haïssable qui doit être combattue et extirpée et non point encouragée de quelque manière que ce soit.

Cela conduit inévitablement à attaquer un système qui tolère et produit la pauvreté et ceux qui reculent devant cette nécessité doivent justifier l'existence de la pauvreté d'une façon ou d'une autre (= en Inde, cela se fait par les théories de la réincarnation). Ils ne peuvent que penser en termes d'insuffisance des produits et ne peuvent imaginer un monde abondamment pourvu de tout ce qui est nécessaire à la vie. Probablement, d'après eux, "il y aura toujours des riches et des pauvres avec nous."

Chaque fois que j'avais l'occasion de discuter ces questions avec Gandhi, il insistait sur le principe que les riches devaient se considérer comme les administrateurs de leurs biens pour le bénéfice du peuple. C'est là un point de vue qui remonte à une haute antiquité ; on le rencontre souvent dans l'Inde comme dans l'Europe du Moyen-Age."


* : l'on se rappellera que, d'après l'antique système des castes, il existe quatre castes : brahmines, kshatryas, vaishyas et soudras. Il ne faut pas confondre les soudras avec les "intouchables". Les soudras ne sont nullement "intouchables". Mais en-dehors des quatre castes, il existe une grande masse d'individus qui n'appartiennent à aucune d'elles (les hors-castes). Ceux-ci se subdivisent encore en plusieurs fractions et ce sont les individus appartenant à l'une de celles-ci qui sont tenus pour "intouchables." ... [...]
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