«Davantage encore que par sa maîtrise du récit historique, ce premier roman d'Alice Winn impressionne par sa virtuosité quand il s'agit de dire les tremblements et les échos des amours interdites (...)» NILS C. AHL dans le monde
Il chargeait et rechargeait les munitions, fauchait ces hommes qui avançaient, continûment, sans faillir, aussi prévisibles que la marée. Ils ne couraient même pas, mais marchaient d'un pas lourd vers la mort, comme... Il n'y avait nulle comparaison possible. Aucun animal sur terre n'aurait souffert cela. Aucune créature ne se serait ainsi jetée dans les griffes de la Faucheuse en toute connaissance de cause, en l'absence de tout espoir.
Il n'avait pas encore atteint ce niveau d'indifférence à la douleur nécessaire pour survivre au front.
« Ellwood eût-il été une fille, il aurait pu lui tenir la main, l'embrasser sur la joue. Il aurait pu lui acheter une bague de fiançailles et vivre avec lui. Mais Ellwood était Ellwood et Gaunt devait se contenter de poser la tête sur son épaule. »
La convention de La Haye voulait rendre la guerre plus humaine. Nous avions atteint ce moment dans l'histoire où nous croyions possible de rendre la guerre humaine.
«Il y avait... » Commença Gaunt, et Maitland leva les yeux d'un seul coup. «ll y avait un gars qui prenait son bain. Il ne savait pas qu'on le voyait. Les tireurs d'élite ne voulaient pas... il chantait - totalement insouciant en ce monde. » Maitland alluma une cigarette.
« Tu leur as ordonné de tirer, bien sûr ? »
Gaunt acquiesça. Il avait donné l'ordre, il avait fait cette belle voix allemande, aussi sûrement que s'il lavait tranchée au couteau.
«C'est bien, dit Maitland. Tu as fait ce qu'il fallait.
- Je sais.
-C'est toujours difficile quand ils font quelque chose d'humain. C'est le premier Boche que je vois. D'habitude, ils Sont cachés.
[...]
«Ça va aller, dit Maitland. Si tu avais vu dans quel état j'étais la première fois où j'en ai entendu un qui riait. C'est difficile d'avoir envie de tuer quelqu'un après ça. »
Parmi les nôtres, seul Roseveare est resté là-bas. «La guerre ne sera pas finie lorsque je fêterai mes dix-neuf ans », a-t-il dit. Je ne sais pas d'où lui vient cette idée. Il suffit d'avoir un demi-cerveau pour comprendre que ça ne peut pas continuer ainsi. Les gars d'ici ne cessent de parler de la grande offensive d'automne qui aboutira à la fin de la guerre à Noël. J'espère juste avoir le temps d'arriver pour participer ! Je me sentirais vraiment trop bête d'avoir suivi cet entraînement et de débarquer en France pour célébrer la paix.