2.1 Plan de l'ouvrage
Le roman est composé de trente chapitres numérotés. On peut identifier trois types de chapitres. Les premiers mettent en scène les aventures de la famille, d'autres les tenanciers d'un bar au bord de la route, qui assistent en spectateurs au défilé des convois vers l'ouest, et les derniers enfin embrassent les événements d'un point de vue surplombant, qu'il s'agisse de l'observation fine des transformations de la terre ou d'analyses des développements de la situation économique. Ces derniers se distinguent par une tonalité lyrique, visible par exemple dans la personnalisation des Etats et l'utilisation des phrases nominales. Ils ont également un caractère presque biblique, à la fois par leur aspect prophétique et par leur écriture soignée. Les allusions bibliques sont d'ailleurs nombreuses dans le roman, qui a pour titre le symbole fortement connoté du raisin.
1.2. Place de l'ouvrage dans la vie de l'auteur
John Steinbeck écrit dans le contexte de la crise de 1929 et de la Grande Dépression qui suivit. Ce roman met en scène les bouleversements sociaux contemporains : pauvreté des familles de cultivateurs, attirés par le mirage de la prospérité californienne, dislocation des solidarités locales et familiales, exploitation d'une nouvelle sorte de travailleurs pauvres. Ce long roman de plus de six cent pages se présente donc en quelque sorte comme un miroir des évolutions de la société. L'auteur s'est d'ailleurs documenté en visitant des camps de travailleurs californiens, (...) : son écriture entretient donc un rapport assez étroit avec la réalité. Son appartenance au genre littéraire apparaît toutefois nettement dans la poésie de la narration, en particulier des nombreuses descriptions. Mal reçu lors de sa publication, l'ouvrage est même attaqué par un membre du Congrès et interdit dans plusieurs villes de Californie. C'est cependant avec cet ouvrage que Steinbeck s'impose comme écrivain américain de premier plan, puisqu'il obtient le prestigieux prix Pulitzer en 1940, lorsqu'il est adapté au cinéma.
La lecture hésite en permanence entre la force d'évocation du roman, dont le vocabulaire très riche et concret, comme gorgé de terre, recrée un univers profondément rural, et le rappel saisissant de thèmes de réflexion réanimés par la récente crise. L'emballement d'un système porté par la démesure, et l'éloignement croissant de la nature, rappellent la création d'un système financier devenu autonome, dont les bénéfices naissent de la seule circulation de l'argent. La création d'une nouvelle sorte de travailleurs pauvres contraints à migrer et celle de leur traitement par les communautés locales évoquent la question française des Roms, et plus largement celle de l'immigration. Peut-être le plus frappant est-il le parallèle permanent entre l'abondance des fruits et la pauvreté des hommes, que la fiction rend manifeste à l'échelle individuelle autant que dans sa dimension systémique.
Nombre de thèmes abordés dans l'oeuvre sont communs à d'autres romans : le décor californien est par exemple celui du Poney rouge, celui du rêve d'une vie meilleure commun à Des souris et des hommes, tandis que la désillusion rattrape tous les héros de ces romans. Une étrange figure de héros se dessine ainsi au fil des oeuvres, à rebours de la conception glorieuse de personnages triomphants, dans un univers où ceux qui réussissent incarnent avant tout l'inhumanité, la dissolution des liens, la négation des valeurs.
3.1 Avis d'autres auteurs sur l'ouvrage
Le roman, interdit lors de sa publication dans certaines villes de Californie, et remanié à l'occasion de son adaptation cinématographique, valut à l'auteur une reconnaissance rapide de son talent, avec le prix Pulitzer dès 1940 et le prix Nobel en 1962. Le succès de cette adaptation contribua également à la postérité de l'oeuvre.
L'ouvrage présente une structure duale : les épisodes de récits sont interrompus par des intermèdes de nature descriptive, comme celui qui relate la transformation de la terre, abîmée par la sécheresse, au début du roman.