Je n’ai toujours pas fait ma PAL pour le challenge Un genre par mois, mais je vous présente aujourd’hui ma lecture pour le thème du mois de janvier (contemporain) : Le diplôme d’Amaury Barthet. Un roman dont certains événements semblent improbables, mais pas complètement impossibles, ce qui permet de se plonger avec beaucoup de curiosité dans une histoire plutôt haute en couleur. Il y est question de diplôme, de mensonge, de réussite et de l’angoisse de voir tout s’effondrer…
Pour ma part, j’ai apprécié toutes les réflexions du protagoniste, Guillaume, autour des diplômes, de leurs limites et de l’obsession française pour ce sésame qui est loin de toujours ouvrir les portes qu’il devrait. Comme lui, je pense que certains métiers s’apprennent sur le tas et que certains diplômes attestent parfois bien plus de la capacité d’une personne à se plier aux exigences du système scolaire français que son degré de compétence. Et puis, si le diplôme peut représenter un premier pas vers l’ascension sociale, le milieu social d’origine n’offre pas la même égalité des chances en matière d’études. Cela ne veut pas dire que les diplômes ne servent à rien, mais qu’il est dommage qu’ils deviennent l’excuse pour mettre les gens dans des cases…
J’ai également aimé qu’à travers Nadia, une vendeuse chez Zara, on donne un coup de pied dans la fourmilière et qu’on prouve que quelqu’un, même sans le « bon diplôme », mais intelligent, déterminé et avec une réelle volonté d’apprendre et de bien faire, peut briller à condition de lui donner sa chance. Ainsi, Nadia est inspirante, inspirée et impressionnante par sa capacité à intégrer les codes et à se fondre dans un milieu dans lequel elle entre par un gros coup de bluff. Avec beaucoup de travail et une volonté de fer, elle arrivera à s’imposer parmi des « grands » qui ne verront rien de son imposture. Il faut dire qu’à part le bon diplôme qu’elle ne possède pas et qui n’est pas accessible à toutes les bourses, elle est finalement bien plus compétente et légitime dans ce qu’elle fait que beaucoup qui sont là par le jeu de la naissance et des relations. On découvrira d’ailleurs la force du réseautage et de la cooptation.
J’ai, en outre, apprécié les réflexions amenées par l’histoire autour de la notion de transfuges de classe, notamment à travers Nadia : alors qu’elle a gravi les échelons au point d’atteindre le sommet, elle ne se reconnaît plus dans ses parents vivant toujours dans leur HLM. Ce décalage qui la met mal à l’aise ne l’empêche par d’embrasser sa nouvelle condition, son statut et ce mirobolant niveau de vie dont elle n’aurait pu espérer avant l’idée un peu folle de Guillaume. C’est, en effet, ce professeur d’histoire-géographie qui l’a convaincue de s’inventer un prestigieux diplôme pour intégrer un poste de haut vol au salaire indécent et au jargon abscons. Un poste dans lequel elle excellera au-delà de ses attentes !
Au début, j’ai apprécié ce prof quelque peu désabusé aux réflexions non dénuées de pertinence. Puis, son cynisme ne s’est révélé être que le reflet de son égoïsme. Guillaume n’aide par Nadia par conviction comme je l’avais espéré, mais plutôt comme un projet qui lui permet de passer le temps et de donner un peu de mordant à sa vie médiocre. Médiocre est d’ailleurs le qualificatif que je lui associerais, à moins que ce ne soit parasite ou lâche. J’ai, petit à petit, développé un certain mépris pour cet homme qui ne respecte rien ni personne. Ses sursauts de violence et sa manière d’utiliser les femmes que ce soit physiquement, financièrement ou psychologiquement m’ont dégoûtée. Je n’ai pas compris pourquoi Amaury Barthet a jugé utile de rendre son personnage aussi immonde…
Je n’ai pas apprécié Guillaume et sa personnalité mais j’ai trouvé intéressant et bien amenés les sujets abordés, tous ancrés dans notre société. Je retiens également la narration de Samuel Charle qui arrive à capter l’attention des lecteurs et à restituer avec réalisme des émotions variées et des sentiments puissants : euphorie, passion, espoir, chagrin, culpabilité, peur voire terreur, désarroi devant une situation qui échappe à un protagoniste qui semble avoir oublié les risques de bâtir un empire sur du vent, ou même que ses choix ont des conséquences pour lui et surtout les autres ! Ce thème du poids des choix et de leurs conséquences est d’ailleurs traité avec une certaine justesse autant dans les prémices de l’histoire que dans sa conclusion.
Quant à la plume de l’auteur, je l’ai trouvé entraînante et vive, parfois nerveuse, s’adaptant avec efficacité aux événements, et créant chez le lecteur une certaine angoisse à l’idée que le château de cartes ne s’écroule sans qu’on ne puisse rien y faire. Une angoisse d’autant plus forte que si on peut regretter que Nadia ait accepté de participer à la mascarade imaginée par Guillaume, on ne peut que lui souhaiter le meilleur. Après tout, dans un système où le succès n’est pas toujours lié au mérite et est soumis aux barrières érigées par les puissants, difficile de lui en vouloir d’avoir elle aussi tenté de l’intégrer par des moyens détournés.
En conclusion, Le diplôme fut une lecture courte mais percutante, Amaury Barthet abordant des thèmes de société comme les diplômes, l’obsession française pour ces derniers et la manière dont ils enferment les gens dans des cases sans leur permettre de faire leurs preuves, à moins d’arriver à contourner un système loin d’être égalitaire. Au passage, il égratigne avec beaucoup de pertinence le monde du travail ou plutôt ses « élites » le gangrénant en le vidant de sa substance, tout en rappelant que chaque choix produit ses propres conséquences. Un roman social comme une satire qui est à lire mais qui souffre d’un protagoniste vil qui tombe dans un grotesque, peut-être de bon ton vu les thèmes abordés, mais dont le trait m’a semblé trop poussif pour servir le propos. Dommage, car pour le reste, c’est un sans-faute.
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