Les tragédies du XX°s et le génocide ont eu des conséquences spirituelles incalculables, visibles en particulier dans les oeuvres des intellectuels les plus détachés de la tradition juive. L'humaniste athée Primo Levi, le rescapé Elie Wiesel dont la foi ne s'est jamais remise de la déportation, et bien d'autres, même proches du hassidisme comme Martin Buber, n'ont eu pour seule réponse à ce qui se passait que la question non-juive de la théodicée : comment un Dieu juste a-t-il pu laisser se produire pareille horreur? Posée en ces termes, cette question ne reflète ni la pensée, ni la théologie, ni le vécu de l'orthodoxie authentique, mais elle a conduit André Neher à explorer les textes de la tradition, de la Bible aux écrits rabbiniques, à la recherche du thème du silence divin. Le livre qui résulte de cette enquête est magnifique et poignant, et parle profondément à la conscience humaine non informée de la révélation et de la présence divines.
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Dans ma bibliothèque, j'ai retrouvé quelques livres de la remarquable collection "Microcosme", datés des années '70 et '80. Ces monographies présentaient des maîtres spirituels d'obédiences variées. Les études présentées étaient très fouillées, tout en restant accessibles au grand public. Je suppose que l'édition de ces ouvrages a été stoppée. Dommage...
Ce "Moïse" (paru en 1956 !) me semble fort intéressant. Dans un premier temps, A. Neher replace très soigneusement le personnage dans son contexte historique, en considérant les deux chronologies envisageables. Dans la première, Moïse se serait exilé sous le pharaon Thoutmès III (au XVème siècle avant J. C.). La seconde chronologie possible décale tout au XIIIème siècle, Ramsès II étant pharaon.
Ensuite, l'auteur étudie en détails la personnalité de Moïse, telle qu'elle ressort du livre de l'Exode: sa volonté de justice, sa soif d'absolu, ses colères, son humilité... L'apogée de son aventure spirituelle correspond évidemment à sa rencontre avec Yahwe sur le Sinaï et à la remise des Tables de la Loi. Mais Moïse a également inspiré toutes les prescriptions morales et rituelles du judaïsme. Par exemple, en souvenir de l'oppression des Hébreux en Egypte, les Juifs se doivent de respecter la dignité des pauvres et des étrangers (à ce sujet, une brève parenthèse personnelle: on souhaiterait au XXIème siècle que les Palestiniens soient traités avec plus de justice par le gouvernement Israélien !).
Naturellement, cette monographie mentionne aussi les fêtes de Pessah et du Kippour, liées à l'épopée de Moïse. Et bien d'autres considérations intéressantes, dans lesquelles je n'entrerai pas ici.
Une dernière remarque: André Neher jette un éclairage assez surprenant (mais au fond conforme à l'esprit du XXème siècle) sur la condition des Hébreux en Egypte. Ceux-ci sont décrits comme des "prolétaires" et le gouvernement du pharaon est assimilé à un régime totalitaire, coupable de génocide. Ce type d'analyse, moderne, modifie la lecture traditionnelle du livre de l'Exode.
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