- Dario Mantovani, professeur titulaire de la chaire Droit, culture et société de la Rome antique.
- Cours du 24 février 2021
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- Présentation :
Faute de la retrouver aisément sur terre, hommes et femmes se sont souvent employés à peindre la justice. du philosophe stoïcien Chrysippe à Andrea Mantegna, en passant par les monnaies romaines, les images donnent corps au désir de justice et nous aident à saisir les contours des concepts. Un constat se dessine : bien qu'intimement liées, pour les Romains justice et équité sont deux idées distinctes, et les mots en gardent l'empreinte. Si justice se relie au droit (ius), à l'origine de l'équité se trouve l'adjectif aequus (-a / -um), qui signifie "uniforme", "plat" dans un sens horizontal. Aequus est donc doué d'une grande capacité métaphorique, déclenchée par l'idée d'équilibre, de « symétrie ». Cela se manifeste dans de nombreux domaines, notamment celui des poids, car aequus exprime bien la relation de correspondance (qui n'est pas forcément l'"égalité") entre un objet et un autre. Les juristes romains s'en emparent et la lecture de deux textes exemplaires nous fait entrer dans le vif de leur pensée , car pour eux il s'agit également de compter et peser, pour retrouver un équilibre dans la société (politique), dont les conflits d'intérêt menacent de dissoudre les liens. C'est en parlant d'équité et de justice, que l'on saisit toute la vérité de ce propos : "comprendre une parole, c'est la faire comprendre à l'autre".
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Il faut admirer et aimer Mantegna; et cependant de prime abord l'homme n'inspire guère de sympathie: il est égoïste, injuste, jaloux et querelleur ; mais des défauts de l'homme naissent les qualités de l'artiste, celles-ci font passer sur ceux-là ; et, quand on songe à sa puissance prodigieuse de travail, à ses souffrances, à ses efforts, à sa vie de chaque jour, qui le fait voir acharné vers un idéal très austère et très haut, sans cesse entrevu, jamais atteint, la pitié s'éveille, la sympathie commence.
La devise de celui qui fut le prédécesseur de Michel Ange et de Raphaël est écrite sur une banderole de son Saint Sébastien, une de ses dernières oeuvres: En dehors du divin tout n'est que fumée.
Le divin ! Toute sa vie, Mantegna y tendit, s'en approcha souvent, y atteignit parfois, sans le posséder jamais. Si, en matière d'esthétique, on entend par ce mot la somme des qualités d'un artiste, Mantegna en posséda la monnaie, qu'il dépensa généreusement.
La thème de l'Adoration des Mages a inspiré à Mantegna un de ses plus remarquables tableaux: la petite toile peinte à la détrempe de la Collection de Lady Louisa Ashburton. Les six figures qui composent le groupe sont pleines de caractère et de vérité : d'un côté, la Sainte Famille; de l'autre, les trois rois Mages inclinés aux pieds de l'Enfant. Les orfèvreries et autres offrandes qu'ils tiennent dans les mains sont détaillées avec une précision de ciseleur, et le type de chacune des figures, y compris celles des monarques orientaux, a dû être pris sur le vif. Mais à ce réalisme se joint la grâce, l'élégance de l'artiste, qui, au dire de M. Ch. Yriarte, «égale Léonard de Vinci et Lorenzo de Credi, ce maître du pli , dans l'art de suivre, sous les inflexions du vêtement, les mouvements du corps humain ».
Mantegna n'a fait qu'un très petit nombre de portraits: deux ou trois; mais ils sont remarquables. C'est d'abord celui du futur Cardinal Francesco Gonzaga, qui se trouve au Musée de Naples; c'est surtout celui du Cardinal Ludovic Mezzarota, qui fait partie du Musée Impérial de Berlin. La netteté de la ligne et la puissance du relief feraient déjà deviner que ce dernier est sorti de la main de Mantegna, même s'il n'y avait pas de signature. Mais c'est un Mantegna d'une parfaite maturité, parvenu presque à concilier son goût pour le dessin d'après les statues antiques et l'observation aiguë de la vie; ce portrait, précis comme une sculpture, est cependant vivant; il n'y a rien de sec ni de décharné dans ces traits énergiques, où l'on sent passer le souffle de la vie et circuler le sang.
Andrea Mantegna accomplit sa formation au milieu du XVème siècle à Padoue, centre artistique majeur d'Italie. En 1445, à quinze ans, on lui confère déjà le titre de pictore (peintre).