C'était un endroit très populaire en ville bien que l'on ait plus de chance d'y acheter des rats recouverts de teinture qu'un basset des Alpes.
Pour parler sincèrement, ce monde animal, on n'en avait rien à secouer. On venait pour acheter des stupéfiants. Le marchand Goga en vendait, et d'une manière suprêmement extravagante.
Installé dans une rangée de vendeur de rats et de souris, Goga était juché sur un tabouret et regardait fixement un point quelconque. Une boîte de dimension respectable se dressait devant lui dans laquelle grouillaient des hamsters.
Chaque hamster portait sur le ventre cinq grammes de poudre. Chaque fois qu'il fourguait sa marchandise, Goga mettait un long moment à choisir la bestiole, la regardant fixement dans les yeux, soupirait bruyamment, prenait l'animal par la patte de derrière et le tendait au client.
Personne n'aurait pensé qu'il y ait tant de skinheads dans cette ville industrielle. C'est-à-dire qu'ils avaient toujours été là, mais ils n'avaient aucune cible à laquelle pouvait s'appliquer l'emploi de leurs forces d'imbéciles. S'attaquer à nos hôtes des républiques orientales était dangereux. Ceux-ci vivaient dans des communautés étroitement liées et défendaient farouchement les leurs. On pouvait bien sûr en tabasser un ou deux, mais lorsqu'on a affaire à des milliers de gens hostiles et d'humeur justement agressive, il vaut mieux continuer à lire Mein Kampf à la maison et écouter des discours de ses idoles sur cassette. Et voilà que, pour son malheur, un nègre était apparu en ville.
"Comment peut-on plaisanter sur les drogues ? C’est horrible, horrible !" L’indignation des inconnus se sentait à chaque signe de ponctuation. Si les traitements de texte avaient pu traduire les sentiments, alors chaque lettre dans le courrier que je recevais à l’époque aurait été entourée trois fois et, à la place des signatures, se seraient étalées les marques noires de la forme d’un crâne et de deux tibias croisés de poulet.
Thoka, un petit mec trapu, gagnait son fric de manière extravagante – attaquant dans le dos des passants isolés, en les assommant par-derrière avec des chats gelés à mort et durs comme de la pierre.