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Critiques de Andrés Barba (29)
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Une république lumineuse

La forêt est dense. Épaisse.

Assoiffée. Asphyxiante.

Un monstre vert. Impénétrable.

La chaleur est lourde. Humide.

Le soleil est écrasant. Infernal.

La forêt pèse de tout son poids protecteur dans une langue mélancolique.

Sur des enfants.



La forêt les avale. Elle les engloutit dans une dimension fantasmagorique pour les recracher en une réalité violente.

Anarchique. Désorganisée.

Un chaos sanglant et meurtrier.

Les enfants sont nulle part. Ils sont partout.

Ils sont le futur, une nouvelle civilisation engendrée par la nature, dotée d'une langue propre.

Un code pour se comprendre, pour comprendre; ordonner la pensée pour organiser le chaos.



Les enfants communiquent par un code: une nouvelle langue pour appréhender le réel. Pour nommer ce qui n'a pas encore été nommé. "Une langue magique où les noms des choses surgiraient spontanément de leur propre nature."

Une langue pour donner réalité, le langage pour octroyer un destin.

Le mot pour prouver l'existence des faits.

Des faits anciens , contés par un narrateur acteur d'un passé traumatisant.

Des évènements tragiques narrés par le truchement d'articles , de revues de presse, de témoignages et d'essais.

L'écrit comme preuve , clé de compréhension quand faits et langue s'articulent dans une logique de réciprocité.



Or si la langue, écrite et orale, donne réalité aux faits, les enfants SONT langage.

Davantage que leurs actions et leur mode de communication, leur présence même fait sens et porte en elle une signification.

Quand le récit donne réalité aux faits, eux donnent réalité au récit .

A une fable qui s'écoule comme le fleuve; dont la morale reste en suspens.

A une fable dont ils sont sujets et objets, langage dans le langage.

A une fable dont chacun d'eux porte un signe. "Héritiers de rien". Signifiant tout. Car "l'enfance est plus puissante que la fiction."



"Une république lumineuse" d'Andres Barba questionne l'enfance. Celle, adulte, des rues, qui pille et tue. Celle, adolescente, chaotique , qui échappe à l'ordre. A notre monde. Qui s'en créé un comme elle s'invente un langage. Le langage au coeur d'une réflexion métalinguistique magistrale qui l'appréhende comme clé de compréhension des faits. Comme source du réel.
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Une république lumineuse

Traduit de l’espagnol par François Gaudry.







Dans la série romans surprenants et à la trame inédite, on trouve cette année le superbe Une république lumineuse d’Andrès Barba.



Ce récit ne cesse de nous ballotter entre empathie, angoisse et colère.



Tout ça parce que les personnages centraux de cette histoire sont trente deux enfants dont on sait dès le départ qu’ils auront tous péri à la fin du roman.



Trente deux chérubins qui vont terroriser San Cristobal pendant des semaines.



Le narrateur est plus qu’un témoin puisqu’il a participer à tout ce qui va entraîner la mort de ces enfants.



Il en profite aussi pour faire une vaste analyse du comportement des enfants et des adolescents, ceux qui sont laissés à eux-mêmes, sans limites, sans aucune forme d’autorité.



Ce sont des enfants quasiment retournés à l’état sauvage et qui mettent en lumière tous les instincts qui habitaient les enfants devenus adultes. Des adultes qui ont oublié ce qu’était être un enfant, les questionnements, l’innocence, la confiance dans les adultes, vivre dans un monde tout petit, un monde à soi.



D’un autre côté, ce texte tend à démontrer aussi que sans barrières, le chaos peut arriver très vite.



En ce qui concerne l’écriture, pour moi, ça a été une superbe découverte. Le talent narratif allié à un style très original donne une portée incroyable à cette histoire. Le narrateur relate un fait qui est sensé être réel (cela reste une fiction) mais le style de ce texte donne également l’impression que l’auteur raconte une légende, de celles destinées à faire peur aux enfants, sauf qu’ici, le public visé, sont les parents et les adultes en général.



Le roman est présenté par l’éditeur comme une fable noire et c’est exactement ça, un conte moderne et intemporel, de ceux qui font frissonner jeunes et plus âgés.



Alors oui, c’est un roman noir, mais qui peut sans aucun problème toucher et séduire un très large public.
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Une république lumineuse

Un très bon livre !

L'enfant est-il innocent par nature ? Voilà le dilemme auquel est confrontée la petite ville de San Cristobál où trente-deux gamins ont saccagé un supermarché, tuant deux grandes personnes par la même occasion. Répondre oui, c'est semer le trouble dans les consciences, remettre en question une éducation qui voit dans l'enfant un être pur à modeler. Répondre non, c'est en faire des adultes, s'autoriser les pires extrémités et perdre ainsi son humanité. Ignorant la réponse, les protagonistes de cette histoire sont incapables d'imaginer la réacton la plus adaptée. Avec cette tragédie, Andrés Barba revisite l'affrontement nature-culture, convoque en ordre dispersé Rousseau, Voltaire et tous ceux (Golding, Defoe, Tournier, Kipling, Burroughs) qui se sont demandé ce que l'homme deviendrait s'il n'était pas élevé par ses semblables, sans repères, livré à lui-même, n'ayant pour référent qu'un environnement vierge de civilisation. Andrés Barba interroge aussi : « l'homme a humanisé systématiquement ce qu'il ne pouvait pas comprendre, des planètes jusqu'aux atomes ».

Tout aussi intéressants, les états d'âme du narrateur, le jeune fonctionnaire qui se retrouve en première ligne. La chienne errante qu'il manque d'écraser au début du roman, la fille de sa compagne qui se dérobe à son empathie, le monstre invisible de ses peurs et de ses fantasmes… tout le ramène au perturbant mystère de ces gosses indomptés, si déterminés dans leur désir de liberté qu'ils ébaucheront leur propre société (avec sa langue et ses codes).

À lire d'urgence. Une fois de plus, le salut du roman vient de l'étranger.

Bilan : 🌹🌹🌹
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Une république lumineuse

Le narrateur d'Une République lumineuse, jeune fonctionnaire des services sociaux qui travaille à l'intégration des communautés indigènes, fraîchement promu et marié, arrive dans la ville de San Cristobál avec sa femme et la fille de celle-ci pour y prendre le poste de directeur des services sociaux.



Ville à l'ambiance humide et étouffante située au bord du Río Eré, fleuve de quatre kilomètres de large, et d'une forêt impénétrable, San Cristobál pourrait être argentine ou brésilienne si elle n'était imaginaire. La routine de cette ville provinciale de deux cent mille habitants va se dérégler avec l'arrivée d'un groupe de trente-deux enfants âgés aux origines inconnues, s'exprimant dans une langue incompréhensible. Leur comportement indomptable va rapidement devenir dangereux. Et pourtant la violence de ces enfants âgés de neuf à treize ans, bientôt meurtrière, apparaît comme naturelle, loin de la sauvagerie froide des enfants chez J. G. Ballard, et leur bande sans hiérarchie ni morale semble guidée avant tout par le plaisir instinctif de vivre et de jouer.



Enfants volés, enfants évadés ? Certains affirment qu'ils ont « surgi » du fleuve ; ils apparaissent et disparaissent avec la rapidité d'un vol d'étourneaux. L'épaisseur insondable de la forêt et le flux incontrôlable du Río Eré sont aussi la métaphore d'un sens qui échappe, celui des agissements des enfants.



« Les discours sont une chose, les faits en sont une autre. Deux jours plus tard, j'ai assisté à la première des nombreuses agressions. J'étais sorti me promener avec Maia et nous les avons rencontrés en traversant le petit parc de la colline. Ils étaient six, la plus âgée devait avoir une douzaine d'années. Assis à côté d'elle sur un banc, deux garçons qui se ressemblaient, peut-être des jumeaux, de dix ou onze ans, et deux filles assises par terre qui paraissaient jouer à tuer des fourmis. Tous avaient cette saleté qu'ont parfois les enfants indigents des grandes villes. La même attitude aussi. Ils semblaient distraits, mais en réalité ils étaient aux aguets. Je me souviens que l'aînée portait une robe ocre brodée de dessins sur la poitrine – des arbres ou des fleurs – et qu'elle me jeta un regard méprisant.

À une trentaine de mètres, une femme d'une cinquantaine d'années traversait le parc avec des sacs à provisions. Un instant tout parut immobile. Je me rendis compte que Maia et moi tentions d'affronter mentalement la sensation que quelque chose d'inévitable allait se produire. L'aînée des filles se leva. Malgré sa tenue dépenaillée, elle avait une espèce de fluidité féline et cette grâce que le corps ne dégage qu'avant l'adolescence. Elle fit signe aux enfants autour d'elle et, sans un mot, ils s'approchèrent rapidement de la femme. »



Écartelés entre leur perception de l'innocence de l'enfance et la sauvagerie grandissante des actes, la familiarité et l'étrangeté cohabitant chez les membres de cette bande qui finit par influer sur le comportement de leurs propres enfants, les adultes de San Cristobál sont hésitants, paralysés ou bien tentés immédiatement de recourir à la force pour rétablir l'ordre – raisonnements et éthique des adultes qui interrogent souterrainement le mythe de l'innocence des enfants comme l'ambiguïté des réactions face à la violence dans nos sociétés.



La forêt épaisse qui borde la ville apparaît comme le lieu du cauchemar des origines où s'engendrent les monstres. L'atmosphère inquiétante de puissance végétale et aquatique qui entoure San Cristobál, familière aux lecteurs de Wilson Harris ou de Juan José Saer, la narration a posteriori puisque les faits évoqués par le narrateur se sont déroulés vingt-deux ans auparavant, en 1993, établissent d'emblée un rapport de mystère et d'incompréhension, d'une histoire qui ne pourra être saisie que de manière parcellaire par le narrateur et par le lecteur. Ce mystère est accentué par la forme du récit, où les rumeurs et les faits précis – date des faits de mendicité infantile et des premières agressions commises par les enfants, de l'attaque du supermarché Dakota, références détaillées aux articles, essais et films consacrés ultérieurement à cette histoire – semblent se heurter au mur des gestes et des mots indéchiffrables de la bande des trente-deux.



« Une des choses les plus tragiques des agressions est qu'elles ont laissé très peu de traces acoustiques. On peut entendre les voix dans quelques enregistrements de l'attaque du supermarché Dakota. On dirait des trilles d'oiseaux inintelligibles, comme le bourdonnement dans la forêt, mais il suffit de fermer les yeux pour percevoir que la musique de leurs échanges compose ce qui pourrait être la conversation d'enfants ordinaires : la cadence des exclamations succède à celle des plaintes, les affirmations catégoriques aux acclamations, les questions alambiquées aux réponses. Et la joie, comme si ces enfants avaient trouvé un secret de la joie qu'ils avaient du mal à trouver chez les enfants normaux. En écoutant ces rires, on a la sensation que le monde a été compensé par quelque chose, juste par la vertu de ce son. Mais nous ne comprenions pas un seul mot. »



La fin tragique de ce roman symbolique et déstabilisant publié en 2017, le septième livre de l'écrivain madrilène traduit en français par François Gaudry, à paraître prochainement chez Christian Bourgois éditeur, laisse une trace profonde, comme une fable sous tension dont l'écho contemporain résonnera longtemps chez la lectrice et le lecteur.



Retrouvez cette note de lecture et beaucoup d'autres sur le blog de la librairie Charybde :

https://charybde2.wordpress.com/2020/04/05/note-de-lecture-une-republique-lumineuse-andres-barba/
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Les petites mains

Après un accident de voiture, Marina, 7 ans, se retrouve à l’orphelinat.

« Mon père est mort sir le coup, ma mère ensuite à l’hôpital »

Voilà la phrase qu’elle répète le plus souvent.

Entre fascination et rejet, ses camarades se conduisent étrangement.

Quel roman bizarre, entre hyperréalisme et irréalité.

C’est comme un rêve qui parfois vire au cauchemar et met mal à l’aise.

Mais c’est tellement bien écrit qu’on adhère sans réserve.

Une grande poésie émane dans une ambiance plutôt lourde.

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Les petites mains

Entre fantasme et réalité, le lecteur ne sait où se situe la frontière. Marina est une très petite fille de sept ans. Séparée de ses parents brutalement, elle arrive dans un orphelinat où elle est à la fois adulée et haïe. Car elle joue beaucoup, Marina, et elle entraîne se camarades au-delà du jeu d'enfance. Curieux roman, très court, où la poésie l'emporte sur la narration.
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Les petites mains

Une fillette de sept ans perd ses parents dans un accident de voiture, dont elle-même réchappe. Elle se retrouve dans un orphelinat.



Et c'est comme si elle amenait avec elle obscurité et perversion. Sans qu'aucun adulte n'intervienne.



Je n'ai pas aimé. Heureusement, c'était court.
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Et maintenant, dansez

N°403 – Mars 2010

ET MAINTENANT DANSEZ – Andrés BARBA – Bourgois Éditeur.



Les personnages tout d'abord. Ines la mère qui autrefois a été belle, Pablo, le mari, ancien employé de Chemins de Fer espagnols dont l'emploi était toute sa vie. Il voue une affection attachante à son épouse qui n'est pourtant plus que l'ombre d'elle-même, Santiago, le fils préféré, qui a de plus en plus honte de ses parents mais qui prend conscience qu'il est incapable d'aimer une autre femme que sa mère, Barbara, la fille, 40 ans, qui a souffert d'être un peu mise à l'écart et qui s'aperçoit que sa vie d'épouse et de mère de famille devient de jour en jour plus morne. Elle se découvre des penchants homosexuels pour Eléna, son employée de maison. Il y a aussi Béatriz, la petite sœur anormale, morte à trois mois. Personne ne parvient vraiment à faire le deuil de ce fantôme.



Ines, mère jadis sévère et un peu bigote, à presque soixante dix ans, perd la tête et s'enfonce de jour en jour dans les affres de la vieillesse et de la sénilité. Elle perd de plus en plus la mémoire, oublie jusqu'aux prénoms de ses proches, agit d'une manière désordonnée dans les gestes les plus quotidiens, perd jusqu'au sens du langage. Pablo prend conscience que sa femme est condamnée, se révèle maladroit, coupé de la réalité depuis son départ en retraite, et paradoxalement, dépendant de sa femme. Chacun, à cette occasion, se remet en question, s'interroge sur lui-même, sur son avenir, sous l'ombre tutélaire d'Ines qui n'est déjà plus là mais qui reste étonnamment présente, même si chacun pense à sa mort prochaine... Il en résulte une ambiance angoissante.



Ce roman sans grands dialogues, sans beaucoup de descriptions non plus, offre le ton assez pathétique des monologues intérieurs (sauf celui d'Ines qui n'existe pas). C'est aussi une série un peu délétère de portraits juxtaposés, avec seulement entre eux des liens artificiels. Je ne suis pas bien d'accord avec la quatrième de couverture qui annonce un texte « sans pitié ni misérabilisme ». Je serais plutôt de l'avis contraire (Les évocations d'Ines et de sa maladie sont affligeantes, les réflexions de Pablo sont un mélange de craintes, de fausse complicité et de navrante subordination, il y a une sorte de diabolisation de la beauté féminine, de la nudité, du plaisir sexuel, une volonté de transformer tout cela en tabou, l'impression un peu bizarre que chacun d'eux n'est pour l'autre qu'un étranger ).



Il me paraît que ce roman un peu lugubre donne à voir des personnages malgré tout un peu lisses, sans grand relief et incrustés dans le quotidien. Il marque un bouleversement réel des choses, une tentative peut-être manquée de briser des interdits et de formuler des non-dits, une peinture sans concession d'êtres face à leurs contradictions, une sorte de lente agonie d'un foyer jadis stable qui maintenant part à vau l'eau, une évocation de l'impossibilité pour les enfants, Barbara et Santiago, de s'unir à leur tour sous l'égide de l'amour, la consécration de la solitude. C'est un roman de la défaite face à la vie, l'image un peu délétère de la vieillesse, de la mort annoncée et de la triste condition humaine.



Ces quatre mouvements me paraissent peu convaincants et je ne suis pas bien sûr de vouloir poursuivre la lecture de l'œuvre de ce jeune auteur.



© Hervé GAUTIER – Mars 2010.






















Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Versions de Teresa

Presque un chef d'oeuvre ! J'adore... Sujet rude, mais c'est si intelligent ! A lire, lire et relire.....
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