Vivre avec ma mère, c’était comme vivre dans un cauchemar permanent, où la seule certitude était que les bonnes choses ne duraient jamais. Si elle n’était pas devenue une bonne grand-mère pour mes enfants, je n’aurais sans doute pas pu ou pas voulu nouer des relations avec elle à l’âge adulte.
Il se peut que « tenace », voire « entêtée » soient de meilleurs qualificatifs pour me décrire qu’« indulgente », parce que je pense que ces traits de caractère m’ont été bien plus utiles lors des nombreuses occasions où j’ai dû lutter pour survivre. Si on me demandait de nommer un seul aspect positif de mon passé, je dirais que je sais désormais à quel point il est capital pour les enfants de bénéficier d’amour et de stabilité. Ces dernières me firent si cruellement défaut dans ma propre enfance.
Je vins au monde trois mois après le mariage. Petite fille d’une mère adolescente, perturbée, alcoolique de surcroît, qui arrivait à peine à prendre soin d’elle-même, et d’un père violent, misogyne et alcoolique – sans parler de la manière dont il allait me traiter… – je n’avais pas l’ombre d’une chance.
J’étais une fille, un être sans intérêt, nul et non avenu. Parce qu’il avait été obligé de se marier et d’assumer des responsabilités dont il n’avait pas envie, il en voulait au monde entier.