Anna Platt

C’est un père avec sa fille et le père crie et hurle sur la caissière comme si c’était sa faute s’il ne peut pas payer. La caissière me fait de la peine, je connais cette sensation quand quelqu’un trouve que vous agissez mal, alors qu’en réalité on ne fait qu’appliquer le règlement. Ce n’est pas la caissière qui a décidé comment ça marchait ici dans ce monde.»

Tu dis que je suis belle, puis tu te barres. Comment ça peut changer d’un coup, les sentiments ? Comment on peut ressentir quelque chose pour une personne et, après, changer complètement ? On ne peut pas traiter les gens comme ça ! Elle est où, ta foutue boussole intérieure ?

Elle était mignonne comme tout, ma Sandra. Et je n’étais pas la seule à le penser. Tout le monde le disait. Qu’elle avait l’air d’un ange avec ses longs cheveux blonds et ses grands yeux marron. J’avais lu dans une revue que les gens sourient plus aux enfants mignons. Qu’à cause de ça les enfants mignons grandissent en croyant que tout le monde leur veut du bien. J’ai fait des efforts pour ne pas trop lui sourire. Histoire de lui éviter d’être déçue quand elle se rendrait compte de ce qu’il en est réellement.

"Mieux vaut soixante secondes de joie qu’une minute de tristesse, voilà ce qui est marqué, ditelle. Ça veut dire qu’il faut tout le temps prendre la vie du bon côté ! "

Quand je vole, je suis l’homme le plus rapide dans les airs. Cependant, ce que mon métier m’apporte n’est pas d’ordre physique, mais d’ordre intellectuel. Pouvoir penser aussi vite.Avoir l’unique et absolu contrôle du cockpit, connaître intuitivement la position de chaque bouton, chaque manette, chaque commande, communiquer avec la tour de contrôle et savoir qu’ils étudient le moindre de mes gestes avec la plus grande attention et un extrême respect. Être dans un état de conscience supérieur.

Je n’ai jamais regretté d’être pilote, même si j’avais les dispositions pour embrasser n’importe quelle carrière. À deux mille mètres d’altitude, tout est plus pur. C’est une question de perspective. De s’élever littéralement au-dessus de tout le fumier. Il y a trois ans, je suis devenu pilote d’essai pour le Gripen. Ils m’ont choisi parce qu’en situation de stress je sais garder la tête froide. En tant que pilote, on doit avoir la capacité de se détacher de ses émotions.

Quand je regardais dans leurs yeux, je voyais des parties de moi-même. Je me suis présenté comme un cousin éloigné. Mon plan était d’apprendre à mieux les connaître avant de leur raconter que leur père était également le mien. Sauf que… Comme ils adulaient leur père ! Je n’ai pas eu le cœur de leur dire que cet homme, ce bon comptable, avait trompé leur mère. Et plus le temps passait, plus c’était difficile de le dire. Alors j’ai laissé tomber.

C’est la plus belle femme avec qui je suis sorti et, à la différence de toutes les autres, elle a su conserver sa beauté. Nous avions fait connaissance dans un train quand j’avais vingt-cinq ans. Je venais d’être admis à une formation de pilote. Elle était étudiante et avait quelques années de moins que moi. Ce week-end-là, j’allais rendre visite à mon père, quand elle s’était assise en face de moi.

Ce qu’il y a de bien dans le fait de vivre seule, c’est que je peux décider tout ce que je veux faire. Fred voulait toujours regarder des émissions sur la nature, mais moi, ça me donne des fourmis dans le corps. Je n’aime pas la nature. Par contre j’aime les fleurs. J’en ai plein l’appartement et, sur le balcon, j’ai fait pousser des pétunias, des géraniums et des marguerites.

Bruno me donne un livre dans lequel il est écrit que, pour se remettre d’un malheur, il faut éviter d’y penser et faire en sorte de vivre dans le présent. Une astuce consiste à chanter une chanson particulière, car à ce moment-là on ne peut pas penser à autre chose en même temps. Et encore mieux si c’est une chanson avec des paroles pleines d’espoir.