Perrot et Lefèvre ont rejoint le service, presque vide à cette heure. Ils vont rendre compte à Law des derniers avancements de l'enquête.
Celui-ci a dû s'offrir un déjeuner en terrasse ou s'est allongé sur le sable entre midi et deux, car son teint d'Anglais a viré au rouge cramoisi. Un tube géant de Biafine trône sur son bureau. Il en a visiblement abusé, car sa peau garance luit comme un lampion.
- Alors, comme ça, patron, on prépare la fête du 15 août ! suggère Lefèvre avec un rictus moqueur.
- Pardon ? demande le commissaire en s'épongeant le front, la fête du 15 août ? Non, pourquoi ?
- Parce que vous pourriez illuminer le Remblai à vous tout seul !
Bourg, qui avec ses deux interlocuteurs successifs n'a pu placer un mot, se demande soudai si la cause de cette diarrhée verbale ne serait pas à rechercher dans le système même de la chaîne de restauration rapide. En effet, parce qu'il bride totalement le discours du serveur, dès que ce dernier est autorisé à s'exprimer en dehors du cadre, il ne peut retenir le flot de mots qui s'échappe alors de sa bouche sans aucun contrôle. (p. 128)
Elle tire une chaise sur les larges carreaux patinés du sol et s'assoit en bout de table, à sa place habituelle. Même si elle dîne seule depuis très longtemps, elle a toujours refusé de céder à la facilité du plateau-repas devant le petit écran. Elle y verrait l'aveu d'une défaite, la confession d'un renoncement. Faut-il avoir peur de sa propre compagnie pour se bercer ainsi de la présence illusoire d'un invité cathodique !
— Tu sens bon, ma chère Cécilia.
— Merci, je craignais pourtant de sentir le chien mouillé avec cette averse que je viens de prendre.
— Tu es venue à pied par ce temps ?
— Oui, fait la visiteuse en tirant un fauteuil près de celui de sa vieille amie, c’est trop difficile de se garer dans ton quartier, et puis, c’est bon pour ma silhouette.
Gabrielle rit en enveloppant Cécilia du regard. C’est vrai qu’elle aurait tendance à s’empâter, si elle n’y prêtait pas garde. Avec ses attaches un peu lourdes, il vaut mieux pour elle qu’elle ne prenne pas trop de poids, songe la plus âgée sans indulgence.
Elle a l'impression d'être l'actrice de quelque mauvais film d'horreur, de ceux que les ados s'arrachent le samedi soir autour d'un seau de pop-corn. Elle est dans le rôle de la pauvre victime sans défense, la poupée aux airs de jeune fille, proie idéale de tous les détraqués de la terre. Mais elle n'a pas lu le scénario, elle ignore tout du sort qui lui est réservé. D'ailleurs, son maton le sait-il lui-même ? Suit-il quelque plan machiavélique connu de lui seul ou agit-il de manière instinctive, animal encerclant sa proie avant de mieux la dépecer.
La victime avait sans doute des parents et peut-être un compagnon puisqu'elle portait un enfant... Il ne peut s'empêcher d'imaginer dans quel état lui-même serait si sa fille venait à disparaître. Il sait que la qualité première du policier comme du médecin ou du travailleur social est de savoir prendre ses distances, se désincarner en quelque sorte, pour ne pas laisser l'affect l'emporter sur la raison et le jugement.
Elle est assise dans le box des accusés, son corps dévié n’offense pas le banc. Elle n’a pas eu un seul regard pour eux. Elle ne voit que le jeune homme au front têtu, au fond de la salle. Il ne la regarde pas mais elle lui sourit tout de même. Des murmures choqués parcourent la salle d’audience. Les journalistes présents parleront au bulletin du soir de « la criminelle souriante qui semblait prendre un plaisir pervers à être au centre de l’attention. » Au premier rang, Inès serre le bras de Norbert. Elle l’a senti se raidir à la vue de ce sourire. Martin, lui, n’a pas bronché. Il est encore sur son petit nuage : ils reviennent de New York. Tous les trois. Le voyage a été à la hauteur de ses espérances…
(sur Facebook) Faut-il se sentir bien seul, tout de même, pour éprouver le besoin d'exposer ainsi à la face du monde le tableau de chasse de ses connaissances !
Tu vas devenir une star ! La "keuf académie", tu connais ?
En s'achetant ce joli flacon ciselé de chez Dior, c'était comme accéder à un monde différent, plus léger, plus facile, plus heureux en un mot.